Swag, d’Elmore Leonard
Je n’ai pas gardé un souvenir impérissable de Plus gros que le ventre, première traduction, en Série Noire, de ce Swag d’Elmore Leonard que propose aujourd’hui la collection Rivages/Noir. À raison s’y j’en crois Laurent Chalumeau qui signe une préface amusante et érudite dudit roman. Ça tombe bien. J’adore avoir raison. Exégète de l’œuvre de Leonard (à y être, allez donc jeter un œil – ou deux – sur son Elmore Leonard, un maître à écrire), Chalumeau l’affirme : Swag, pourtant, est un des chefs d’œuvres d’Elmore. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, c’est une nouvelle fois à Élie Robert-Nicoud que la tâche de rendre justice au texte à travers une nouvelle traduction.
L’orgueil de vendeur de voitures d’occasion de Frank Ryan est blessé le jour un type lui vole avec un rare aplomb une voiture sur le parking de la concession où il œuvre. Pourtant, lors du procès de ce voleur qu’il a identifié au commissariat, Ryan change d’avis… il n’est finalement pas si sûr de lui, c’était peut-être quelqu’un d’autre. Car il a vu en Ernest Stickley Jr, dit Stick, un partenaire potentiel pour le changement de carrière qu’il est en train d’envisager. À la sortie du tribunal, Frank présente donc à Stick ses « dix règles pour une vie de réussite et de bonheur ». Et, même si on est au milieu des années 1970, cela n’a rien à voir avec un délire hippie ou une retraite dans un ashram Hare Krishna. Il s’agit simplement des dix règles pour réussir dans le métier de braqueur de magasins. Et, de fait, le duo est doué et écume Detroit et sa banlieue. Jusqu’au jour où Frank envisage un plus gros coup qui enfreint un certain nombre de ses règles. Un trop gros coup aux yeux de Stick.
Pas la peine de se lancer dans une grande explication de texte, Laurent Chalumeau a raison. On se trouve là face à un de ces quelques romans parfaits d’Elmore Leonard, un de ces livres où tous les rouages sont huilés comme il faut. Les dialogues, bien entendu, sont fabuleux. Ils entretiennent la tension, fusent, sont chargés de deuxième degré à haute dose. Les personnages principaux, ce duo pas tout à fait bien assorti, avec ses petits accrocs, l’aplomb de Frank Ryan qui finit par confiner à la vanité, la coolitude un peu surjouée de Stick, sont fascinants et les personnages secondaires, de la peut-être pas si écervelée Arlene au flic Cal Brown en passant par Sportree le gangster noir ne le sont pas moins. Enfin il y a cette intrigue qui coule, fluide, avec ses moments héroïques – formidable braquage de braqueur dans un bar – et ses montées de tension. Tout est parfaitement dosé et on lit ça avec en tête une bande-son et un split-screen dans lequel on voit tout s’agencer.
Bref, c’est acté, on a là affaire à Elmore Leonard à son meilleur et l’on ne peut que rendre grâce à Rivages de nous faire pleinement profiter de ce texte.
Elmore Leonard, Swag (Swag, 1976), Rivages/Noir, 2020. Traduit par Élie Robert-Nicoud, préface de Laurent Chalumeau. 350 p.
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