Djibouti, d'Elmore Leonard
Dans Dieu reconnaîtra les siens, paru en France en 2003, Elmore Leonard abordait de manière quelque peu anecdotique la question du génocide rwandais. C’était jusque là une de ses rares incursions du côté de l’histoire récente et de l’actualité géopolitique. Avec Djibouti, il s’empare réellement pour la première fois d’un sujet d’une actualité brûlante, à savoir la piraterie dans le golfe d’Aden et l’activité d’Al-Qaïda dans cette région du monde. Réalisatrice de documentaires, primée aux Oscars, Dana Barr débarque à Djibouti avec Xavier, son assistant septuagénaire, pour filmer les pirates somaliens à l’œuvre dans cette région, carrefour entre l’Orient et l’Occident où se croisent barbouzes, millionnaires texans en quête d’aventures, marines de guerre, méthaniers, islamistes radicaux et, donc, pirates embarqués dans des yoles et amateurs de 4x4 Toyota.
Les lecteurs qui connaissent Elmore Leonard s’en doutent, il n’est pas là pour faire un cours de géopolitique. Malgré tout, l’auteur américain dépeint à sa manière et avec sans doute une documentation assez importante, les jeux de faux-semblants et de pouvoir qui sont à l’œuvre dans ce lieu stratégique. Et la manière d’Elmore Leonard, c’est quelque chose de particulier, une patte unique à base de dialogues à la fois criants de naturel et particulièrement amusants, de personnages ultra-cools qui en côtoient d’autres particulièrement bêtes (mais qui peuvent aussi être cools et méchants) et des situations à la fois incroyables et crédibles.
Tous ces ingrédients sont bien présents dans Djibouti, quasiment ad nauseam tant les personnages sont nombreux et tous aussi fous les uns que les autres : Dara dont le détachement extrême confine à l’inconscience, Jama le membre américain d’Al-Qaïda assouvissant avant tout des pulsions psychopathes, Billy le millionnaire texan alccolique obsédé par l’idée de devenir un héros américain, les chefs pirates businessmen avertis, Buck l’ancien Navy Seal qui ne sert à rien… Et Elmore Leonard de nous jouer une valse étourdissante quitte à nous perdre un peu parfois dans cette folle atmosphère.
Si l’on sent que l’intrigue a parfois un coup de mou, l’auteur, fort de son expérience, réussit toujours à accrocher le lecteur par le biais de son sens aiguisé des dialogues qui font mouche et d’une constante surenchère dans les situations débridées. Il nous livre là un roman d’aventures moderne bien mené et efficace, pas complètement surprenant pour qui le connait un peu, ni même inoubliable – on peut légitimement penser que l’œuvre de Leonard a connu son apogée il y a déjà quelques années – mais qui tient bien son rôle de divertissement de bonne qualité.
Elmore Leonard, Djibouti (Djibouti, 2010), Rivages/Thriller, 2013. Traduit par Joahnne Le Ray.
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