Charlie Martz et autres histoires, d’Elmore Leonard
Le dernier roman d’Elmore Leonard (1925-2013), Raylan, a été traduit en France en 2014 et l’on pouvait penser qu’après les traductions des premiers polars et surtout des westerns et nouvelles western éditées par Rivages, l’œuvre de Leonard avait été entièrement traduite. C’était sans compter les quelques manuscrits oubliés qui traînent toujours dans les tiroirs et dont Charlie Martz et autres nouvelles offre un premier échantillon avant un deuxième volume annoncé.
Fonds de tiroir, d’ailleurs ? Pas forcément.
Certes, ainsi que le dit en introduction Peter Leonard, le fils de l’auteur, on verra ici « Elmore chercher son style, essayer de trouver la voix, la musique qui seront les siennes ». De fait, les huit nouvelles ici réunies, écrites en gros entre 1954 et 1958, datent des tout débuts en écriture d’Elmore Leonard – son premier roman, Les chasseurs de primes (The Bounty Hunters), est publié en 1953 – et semble relever parfois de l’exercice d’écriture. C’est le cas notamment de la nouvelle qui donne son nom au recueil dans laquelle Leonard semble moins chercher à mettre en place une intrigue qu’à créer une ambiance, en l’occurrence un suspense qui va crescendo jusqu’à une explosion finale. On voit aussi un Elmore Leonard qui s’intéresse déjà au noir et même à des situations banales du quotidien. C’est le cas par exemple de la nouvelle « La coupe italienne », qui met en scène un couple dans lequel un mari miné par ses échecs fait payer sa frustration à sa femme et qui est l’occasion pour l’auteur d’instiller une véritable tension jusqu’à une fin en forme de pied-de-nez. Il en va de même avec « Arma virumque cano », bien plus ambigüe et avec un final des plus abrupts. Ailleurs, comme dans « Juste pour faire quelque chose », l’écrivain prend une nouvelle fois une intrigue assez banale pour s’exercer à écrire des scènes d’action et de suspense tout en caractérisant ses personnages avec une certaine économie de moyens.
Bref, on voit en effet l’écrivain – qui est encore alors employé d’une agence de publicité – en train de forger ses outils et son talent. Autant dire dès lors que les nouvelles réunies ici ne sont certainement pas les meilleures d’Elmore Leonard, ce qui ne veut d’ailleurs pas dire qu’elles soient mauvaises non plus. Le plaisir est bien là lorsqu’on les lit. Mais c’est un fait que ce recueil est surtout un objet fascinant pour les aficionados d’Elmore qui ont le plaisir de le retrouver, d’abord, et de le voir par ailleurs travailler son style, s’exercer à devenir l’artisan talentueux que l’on connaît. Indispensable pour les adeptes et conseillé aux curieux.
Elmore Leonard, Charlie Martz et autres histoires (The Unpublished Stories of Elmore Leonard : Charlie Martz and other stories, 2015), Rivages/Noir, 2017. Traduit par Johanne Le Ray et Pierre Bondil. 206 p.
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