Avant les diamants, de Dominique Maisons
« Chaque dollar sorti de sa poche doit lui procurer un rapport satisfaisant. Moffat a peu de principes, mais celui-là, il y tient. »
Moffat, que l’on découvre ainsi dès les premières lignes d’Avant les diamants, est un producteur de cinéma de seconde zone qui rêve de gloire, de reconnaissance et, bien entendu, d’argent. Mais là, en ce mois de mars 1953, dans la poussière de Culver City où se tourne à l’économie un western avec un vieil acteur moribond, Moffat est bien loin de pouvoir espérer s’extraire de sa condition. Il ne le sait pas encore, mais pourtant le destin joue peut-être pour lui. Parce qu’il y a le père Starace, prêtre dans le doute, homosexuel, membre influent de la Legion of Decency qui à le pouvoir de condamner un film contraire à la morale chrétienne. Parce qu’il y a aussi Chance Buckman, militaire qui croule sous les dettes de jeu, et Annie Morrison avec laquelle il fait équipe. Les deux militaires sont chargés de faire produire un film dans le cadre d’un programme de propagande. Pour cela ils disposent, par l’intermédiaire de la Mafia, de deux millions de dollars. De quoi ouvrir bien des appétits. Et si l’on ajoute à tout cela la jeune Didi, maîtresse de Moffat qui rêve de devenir actrice, son amante Liz Montgomery, Jacinto, protégé et aussi amant du père Starace, et les apparitions d’Hedy Lamarr, Errol Flynn ou Robert Mitchum, on a là de quoi alimenter une histoire à la fois dense et riche en rebondissements.
Pas la peine d’y aller par quatre chemins, avec ce roman Dominique Maisons propose au lecteur un vrai bon livre qui arrive à concilier intelligence et divertissement. Intelligence moins par ce qu’il dit de l’Amérique des années 1950 ou, en creux, d’aujourd’hui, mais plutôt par l’épaisseur qu’il donne à ses personnages jamais monolithiques, pétris de contradictions, y compris les pires ordures que l’on aura l’occasion de croiser. Divertissement parce que tout cela s’enchaîne et s’entremêle avec une facilité apparente, parce qu’aussi, en s’appuyant sur une documentation riche qui ne prend cependant pas le pas sur la fiction, il jette un regard acide sur Hollywood tout en conservant une certaine fraîcheur, celle de l’amateur fasciné par Flynn où que les apparitions d’Hedy Lamarr émeuvent.
Le fait est qu’à la lecture de ce roman on sent véritablement que l’auteur prend un véritable plaisir à écrire, à jouer avec ses personnages de fictions et avec les personnages réels. Un plaisir éminemment communicatif et qui l’est d’autant plus que ce jeu n’est pas prétexte à bâcler l’histoire où à négliger l’écriture. Bref, pour tout dire, on tient là un vrai bon livre passionnant et on jubile autant à le lire que l’auteur a jubilé, on imagine, à l’écrire.
Dominique Maisons, Avant les diamants, Éditions de La Martinière, 2020. 521 p.