On était des loups, de Sandrine Collette
Liam vit dans des montagnes sauvages, bien loin de la civilisation. Il chasse pour se nourrir, pour tanner les peaux et le cuir. Et s’il fait cela, c’est parce que la compagnie des humains lui pèse. Deux d'entre eux vivent cependant avec lui : Ava, rencontrée lors de l’un de ses rares et courts voyages en ville, et leur fils de cinq ans, Aru. Ce jour-là, alors qu’il revient de plusieurs jours de chasse en forêt, son garçon ne court pas vers lui. Ava est morte, attaquée par un ours.
Commence un long voyage. Avec deux chevaux, Liam décide de faire le trajet vers la ville lointaine afin d’y laisser Aru. Car c’est une évidence pour lui : l’enfant ne peux pas affronter la vie sauvage. Il est surtout un fil à la patte de Liam, un être aimé plus que tout, certes, mais aussi un obstacle à sa liberté.
Ce chemin est l’occasion pour Liam de se livrer à son introspection mais aussi, petit à petit, de tisser un nouveau lien avec Aru.
Il n’y a rien de trépidant dans On était des loups. Sandrine Collette nous fait avancer au pas lent des chevaux qui ont un long chemin à faire et de la pensée intime de Liam. Affligé par la douleur de la perte de la femme qu’il aimait, il se trouve déboussolé par la désormais omniprésence de cet enfant dont il doit s’occuper au moins le temps de réussir à le confier à quelqu’un. Et, dans le même temps, son trajet se transforme en voyage initiatique ou plutôt maïeutique dans le sens où il pourrait révéler à Liam sa propre condition de père en lui montrant avec quelle force il est viscéralement attaché à Aru.
Mais cela passe par bien des épreuves, des faux-pas, des échecs et des moments de pur désespoir que Sandrine Collette, avec sa finesse habituelle, son sens de l’économie dans les scènes et le rythme général de l’histoire, arrive à rendre particulièrement frappants. Les paysages et la manière dont Liam les voit jouent aussi leur rôle dans la sensation d’oppression et le suspense minutieusement mis en place par l’autrice. Les chevaux, enfin, ne sont pas que des moyens de locomotion. Ils sont un lien entre Liam et sa vie et entre le père et le fils. Leur lenteur, par ailleurs, tout comme l’immensité de l’espace dans lequel ils se meuvent, crée les conditions de la rencontre qui s’opère peu à peu entre le père et le fils. Et ce d'autant plus qu'ils vont aussi croiser la route d'un véritable croquemitaine.
Si l’on n’a pas tout lu de Sandrine Collette, on n’en est pas moins impressionné par sa capacité à se renouveler d’un roman à l’autre, que ce soit dans le genre ou la manière de raconter alors qu’au fond, ses thèmes, eux, restent les mêmes : les relations complexes entre les parents et les enfants, le monde sauvage contre la civilisation, la recherche de la solitude et la nécessité de pouvoir compter sur les autres... Ici encore elle nous surprend, nous cueille en faisant lentement glisser ce voyage initiatique dans les contrées du conte horrifique, et réussit à la fois à nous emporter dans un récit empreint d’une tension presque physique et à nous émouvoir.
Sandrine Collette, On était des loups, JC Lattès, 2022. 198 p.
Du même auteur sur ce blog : Des nœuds d’acier ; Il reste la poussière ; Et toujours les Forêts ;