Des nœuds d’acier, de Sandrine Collette
Tout juste sorti de prison, Théo a déjà commis un faux pas en allant menacer son propre frère, victime des violences qui l’ont envoyé derrière les barreaux. Soucieux de se mettre quelques temps au vert, il loue une chambre dans une maison à la campagne et, là, s’occupe en partant tous les jours en randonnée dans les bois et montagnes environnants. Jusqu’au jour où il tombe entre les mains de deux frères qui le séquestrent dans leur ferme isolée. Commence un long calvaire pour Théo, enchaîné, battu, considéré comme le chien de la maisonnée, et qui ne pense plus qu’à une chose, s’échapper.
Le thriller basé sur la captivité, la rencontre avec des ploucs dégénérés dans une nature sauvage a abondamment – et avec plus ou moins de bonheur – alimenté le cinéma et la littérature de genre, de Massacre à la tronçonneuse à Wolf Creek en passant par, bien entendu, Misery, adaptation particulièrement réussie d’un roman de Stephen King devenu un étalon en la matière. C’est donc sur cette voie là que s’engage Sandrine Collette avec Des nœuds d’acier, et, qui plus est, d’une manière plutôt convaincante.
Si la séquestration du héros est un classique du genre, l’auteur réussit cependant à conférer au personnage en question un intérêt supplémentaire en ce que Théo apparaît comme un homme violent, brûlant de haine, plus encore peut-être en sortant de prison qu’à son arrivée, et, partant, éminemment antipathique. Pourtant, en le confrontant à des personnages encore plus retors et bien plus sauvages que lui, Sandrine Collette arrive à plus ou moins retourner le lecteur et à lui faire éprouver une réelle empathie pour cet homme devenu animal domestique.
Bien écrit qui plus est – loin d’une grande partie des grosses machines du thriller à la française adeptes des métaphores tordues qui sombrent dans le ridicule et des descriptions de tortures à rallonge – Des nœuds d’acier se laisse lire vite (250 pages) et sans déplaisir.
On regrettera toutefois une certaine perte d’efficacité due surtout à la volonté de l’auteur de montrer à tout prix l’humanité de Théo à travers ses souvenirs d’enfance et celui de la femme qu’il aime et désirerait retrouver. Cette manière de créer un contraste net avec la sauvagerie de bourreaux quasiment dénués de sentiments et donc de tisser un lien, aussi ténu soit-il, avec le lecteur pour provoquer son empathie ralentit en effet souvent le rythme et aurait certainement mérité un traitement plus discret. À ce titre, on s’attache sans doute plus facilement au compagnon de captivité de Théo dont on ne sait quasiment rien du passé et qui se refuse justement à penser à son passé mais dont les actes – et la situation, bien entendu – suscitent cette empathie.
Le pari d’écrire un roman de genre bien marqué tout en le situant en France et de manière plutôt crédible est donc en grande partie réussi. Et Des nœuds d’acier, sans pouvoir se hisser au niveau d’un Misery - tout comme, pour faire dans la comparaison oiseuse, Braquo ne pourra jamais faire de l’ombre à The Shield – se révèle être un livre abouti et propre à faire passer au lecteur un bon moment de lecture.
Sandrine Collette, Des nœuds d’acier, Denoël, 2013. Rééd. Le Livre de Poche, 2014.
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