Rétrospective Dortmunder (9) : Au pire qu’est-ce qu’on risque ? de Donald Westlake
Une fois n’est pas coutume, Dortmunder voit un nouveau coup sombrer lamentablement. Il jouait pourtant sur du velours en cambriolant la maison d’un riche homme d’affaires dont une des sociétés (véritable propriétaire de ladite maison) est en faillite. Mais Max Fairbanks n’a que faire des lois qui interdisent au patron en faillite de résider dans son bien et est venu y passer la nuit avec une maîtresse. Et de Dortmunder de finir par se faire embarquer par la police non s’en s’être fait humilier une dernière fois par un Fairbanks qui a revendiqué la bague qu’il portait au doigt ce soir-là. Une bague à deux sous, certes, mais offerte par sa compagne, May. Et si Dortmunder est opiniâtre quand il s’agit de mettre en place un braquage, il est aussi sacrément rancunier.
De nouveau Westlake s’amuse à pervertir les codes qu’il a mis en place dans sa série. Nous étions habitués à voir Dortmunder et ses acolytes recommencer un nombre de fois indéterminé le coup sur lequel ils avaient travaillé pour voir chaque tentative échouer lamentablement ? Nous avons droit ici à une suite de coups qui, immanquablement réussissent mais qui n’arrivent pas à satisfaire un Dortmunder qui, à l’image d’un Parker dans Comme une fleur déterminé à récupérer seulement une somme ridicule que l’Organisation se refuse à lui verser[1], ne cherche qu’à remettre la main sur sa bague en toc.
Ainsi jamais le poissard John Dortmunder n’a été ainsi assailli par ses confrères résolus à profiter de cette incroyable période de chance qui le voit engranger les succès et les dollars sans jamais vraiment arriver à en être satisfait.
Alors que le lecteur s’est habitué à rire des échecs de l’antihéros et de sa bande, le voici pris à s’esclaffer devant l’accumulation de succès qui jalonnent cette quête obsessionnelle. Et si cela fonctionne tellement bien, c’est que, au-delà de ses talents de conteurs, Westlake a su maîtriser son timing, ne se lançant dans cette aventure qu’après avoir conditionné le lecteur à l’échec huit volumes durant, rendant ce contrepied imparable.
Si l’on ajoute à cela d’excellents moments d’analyse du Yi King par un Fairbanks magnifique d’égocentrisme, on se trouve une nouvelle fois face à un roman de fort bonne facture malgré quelques scories sans doute dues à une édition en urgence (traduction ponctuellement hasardeuse, accumulation de coquilles).
Donald Westlake, Au pire qu’est-ce qu’on risque ? (What’s the worst that could happen ?, 1996), Rivages/Thriller, 2001. Rééd. Rivages/Noir, 2004. Traduit par Marie-Caroline Aubert.
Dans la série Dortmunder sur ce blog : Pierre qui roule ; Comment voler une banque ; Jimmy the kid ; Personne n’est parfait ; Pourquoi moi ? ; Bonne conduite ; Dégâts des eaux ; Histoire d’os ; Mauvaises nouvelles ; Voleurs à la douzaine ; Les sentiers du désastre ; Surveille tes arrières ; Et vous trouvez ça drôle? ; Top Réalité ;
[1] On remarquera d’ailleurs que si Dortmunder poursuit Fairbanks, Parker, lui, harcelait Fairfax, un des dirigeants de l’Organisation. Petit clin d’œil de Westlake à Stark au moment où ce dernier s’apprête à se remettre en selle ? (Cet épisode des aventures de Dortmunder paraît en 1996 et Comeback, grand retour de Parker près de 25 ans après ses derniers braquages, paraît en 1997)