Rétrospective Dortmunder (7) : Dégâts des eaux, de Donald Westlake

Publié le par Yan

dégâts des eauxAprès un nouveau cambriolage raté, Dortmunder rentre chez lui pour trouver un ancien codétenu installé sur son canapé. Tom Jimson est un vieillard un peu inquiétant, capable d’effrayer même le colosse Tiny Bulcher qui, de manière imagée, résume ainsi le personnage : «  Il serait toujours capable de te piquer tes dents dans ta bouche pour te mordre avec ». Et le froid Jimson veut que Dortmunder l’aide à retrouver un magot planqué voilà plusieurs décennies dans un village qui a depuis disparu pour laisser place au réservoir d’un barrage alimentant New York en eau. Contraint et forcé, Dortmunder va donc devoir reformer sa fine équipe pour tenter de récupérer les sept-cents mille dollars de Jimson.

Pour caricatural qu’il soit (et la caricature commence par le nom sous forme de contrepèterie d’un personnage qui tient de la caricature de méchant issu d’un roman de Jim Thompson), Tom Jimson est le premier vrai méchant à apparaître dans les aventures de Dortmunder. Dénué de pitié et d’empathie, Jimson, à sa manière, fait froid dans le dos et fait planer l’ombre de la mort au-dessus de cet épisode. Une mort, qui va d’ailleurs faire plus que planer et s’abattre dans un final qui tient autant d’un roman de Richard Stark pour l’action elle-même que de l’habituelle épopée loufoque de Dortmunder et de sa bande.

En faisant ainsi entrer le Mal dans les aventures de son héros, Westlake renouvelle un peu sa série, même s’il suit une trame déjà connue, formée d’une succession d’échecs, puisque c’était celle du premier volume mettant en scène Dortmunder, Pierre qui roule. En plaçant ainsi un véritable méchant dans son roman, Westlake, en contrepoint, accentue le côté débonnaire de la bande de Dortmunder et c’est de cette opposition de styles que nait en partie l’effet comique de Dégâts des eaux qui voit par ailleurs se greffer momentanément à la bande toute une série de personnages savoureux, du geek obèse et timide au plongeur-séducteur en passant par la bibliothécaire vivant sous la coupe de sa mère. Cela aboutit à un tourbillon de situations et de personnages, qui se heurtent et rebondissent dans tous les sens, permettant à Westlake de ménager un certain suspense et quelques effets de surprises là où le lecteur habitué à la série croyait pouvoir anticiper sur la suite.

C’est dire si tout cela est bien rondement mené et se lit avec plaisir même s’il souffre peut-être parfois de quelques longueurs. Il réserve en tout cas de bons moments de rire et, surtout, démontre la capacité qu’avait Westlake à se renouveler dans la continuité.

Donald Westlake, Dégâts des eaux (Drowned Hopes, 1990), Rivages/Thriller, 2003. Rééd. Rivages/Noir, 2006). Traduit par Jean Esch.

Dans la série Dortmunder sur ce blog : Pierre qui roule ; Comment voler une banque ; Jimmy the kid ; Personne n’est parfait ; Pourquoi moi ? ; Bonne conduite ; Histoire d'os ; Au pire qu'est-ce qu'on risque? ; Mauvaises nouvelles ; Voleurs à la douzaine ; Les sentiers du désastre Surveille tes arrières ; Et vous trouvez ça drôle? ; Top Réalité ;
 

Publié dans Noir américain

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J
Parmi mes personnages préférés dans ce roman, le pauvre gars qui déprime et tombe, chaque fois qu'il ressort un peu la tête de l'eau, sur la bande de branquignoles qui lui fait douter, un peu plus,<br /> de sa santé malade.<br /> Comique de répétition parfaitement maîtrisé par le Maître.
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Y
<br /> <br /> Oui, c'est en effet un des très bons moments de ce livre. Il y a quelques longueurs, mais on sent que Westlake s'amuse tellement que c'est communicatif. Un des meilleurs de la série.<br /> <br /> <br /> <br />