Rétrospective Dortmunder (8) : Histoire d’os, de Donald Westlake

Publié le par Yan

histoire-d-os couvUne fois encore, Donald Westlake, comme il nous y a habitué sous son nom ou sous celui de Richard Stark, prend pour prétexte à son intrigue un conflit entre deux pays imaginaires. C’est en Europe centrale que sont censés se trouver la Tsergovie (dont on apprend qu’il est le pays d’origine de Tiny Bulcher) et le Votskojek, États issus de l’effondrement du bloc communiste et se vouant mutuellement une haine tenace après avoir été obligés de cohabiter plusieurs décennies durant.

Comme dans  Pourquoi moi ? , Pierre qui roule ou encore le Blanc bleu noir de Richard Stark, un objet se trouve au centre du conflit. Pour assoir leur légitimité en obtenant un siège à l’ONU, Tsergovie et Votskojek se disputent une relique, le fémur de Sainte Ferghana , fille d’aubergistes du XIIIème siècle spécialisés dans le détroussage de voyageurs et repentie après avoir rencontré un prêtre avant d’être dévorée par ses parents.

On retrouve donc sans surprise un procédé éprouvé (y compris les intermèdes encyclopédiques détournés déjà utilisés dans Aztèques dansants, roman « one shot » mais qui aurait pu être un Dortmunder) et, finalement, assez attendu. La mécanique est donc la même : Dortmunder accepte le coup, le rate, s’en sort, recommence et…

Westlake, malgré tout, arrive encore à surprendre, à jouer de la variation autour d’un thème qu’il semble ne (presque) jamais épuiser. Après avoir introduit un personnage plutôt sombre, bien que volontairement caricatural, dans l’épisode précédent des aventures de Dortmunder (Dégâts des eaux), il prend ici résolument le parti de la farce. De la scène d’ouverture à celle qui clôt le roman, les situations comiques s’accumulent sans pause, Westlake alternant les points de vue et les styles de narration (fausses pages d’encyclopédie, notes de bas de page, journal…). Il en tire un roman apparemment échevelé mais redoutablement bien construit où chaque détail a son importance et où une situation apparemment anecdotique peut finalement prendre une dimension bien plus importante plusieurs centaines de pages après avoir eu lieu.

D’aucuns sans doute trouveront que c’est un peu trop et que les effets comiques et les mécanismes de l’intrigue prennent le pas sur le fond. C’est tout à fait vrai, parce que, simplement, il n’y a pas vraiment de fond. Juste un grand délire, une accumulation d’effets comiques et de personnages hauts en couleur dans un New York de comédie. Et, en fin de compte, c’est tout ce que l’on demande à Dortmunder.

Donald Westlake, Histoire d’os (Don’t ask, 1993), Rivages/Thriller, 1996. Rééd. Rivages/Noir, 2000.Traduit par Jean Esch.

Dans la série Dortmunder sur ce blog : Pierre qui roule ; Comment voler une banque ; Jimmy the kid ; Personne n’est parfait ; Pourquoi moi ? ; Bonne conduite ;  Dégâts des eaux ; Au pire qu'est-ce qu'on risque? ; Mauvaises nouvelles ; Voleurs à la douzaine Les sentiers du désastre ; Surveille tes arrières ; Et vous trouvez ça drôle? ; Top Réalité ;   

Publié dans Noir américain

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J
Entièrement d'accord avec toi, et je déconseillerais de commencer par celui-là.<br /> C'est ce que j'avais fait (hasard complet) et du coup j'avais trouvé Dortmunder drôle, mais sans plus.<br /> Après j'ai écouté ceux qui savaient, j'ai repris la série, je suis devenu un fan inconditionnel, j'ai relu Histoire d'os ... et j'ai adoré.
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Y
<br /> <br /> C'est marrant, ça. C'est aussi mon premier Dortmunder et même mon premier Westlake. Il m'avait assez convaincu pour me lancer à la recherche de TOUS les bouquins de Westlake, y compris ceux qui<br /> n'étaient alors parus qu'en Série Noire et étaient particulièrement difficiles à trouver. Ça m'a occupé quelques années.<br /> <br /> <br /> Ceci dit, en effet, on ne l'apprécie que mieux quand on est déjà familiarisé avec le personnage.<br /> <br /> <br /> <br />