Rétrospective Parker (12) : Blanc-bleu noir
Si l’indigence du titre français peut laisser pantois, Blanc-bleu noir est toutefois un plutôt bon Parker. Avec ce roman, Richard Stark/Donald Westlake aborde franchement une thématique déjà vaguement abordée dans La demoiselle et plus vaguement encore dans Pour l’amour de l’or : l’ingérence du héros dans les affaires d’un ou plusieurs États imaginaires. Ce sera en effet le cas aussi de la première aventure de Dortmunder, Pierre qui brûle, mais aussi d’Histoire d’os (toujours un Dortmunder) ou encore d’Aztèques dansants.
Ici, donc, ce sont des diplomates faisant partie de la délégation du Dhaba, un petit pays d’Afrique Australe, aux Nations Unies qui prennent contact avec Parker. Il s’agira pour le braqueur de planifier le vol de diamants détenus dans un immeuble new-yorkais par des membres de la junte au pouvoir sur le point de le perdre, justement, ce pouvoir. Parker n’aura pas à participer à l’opération elle-même mais à l’organiser et à entraîner les diplomates afin qu’ils effectuent eux-mêmes le vol.
Bien entendu, les choses vont se compliquer avec l’entrée en jeu de blancs, anciens colons de ce pays à l’indépendance récente, qui voudraient eux-aussi reprendre les rênes et d’un escroc éconduit.
En prenant donc pour trame à son intrigue une situation politique emberlificotée et en mettant son héros aux prises avec de multiples malfaisants et un groupe d’amateurs dont il est censé faire l’éducation criminelle, Richard Stark flirte sans jamais la traverser avec la ligne jaune qui pourrait faire basculer le roman vers un humour débridé. Il le fera plus tard et, comme on l’a vu avec La demoiselle, on s’aperçoit que ces années 1967-1968 voient apparaître l’embryon de Dortmunder. La maîtrise est donc là d’une intrigue encore une fois au cordeau et dans laquelle les variables pouvant précipiter l’échec du coup planifier par Parker sont suffisamment nombreuses et entremêlées pour maintenir le suspens jusqu’au bout.
Blanc-bleu noir est par ailleurs le roman où apparaît vraiment ce qui va devenir la seule vraie faiblesse de Parker : sa compagne, Claire, ici prise en otage. Une situation qui sera aussi utilisée plus tard dans un autre roman de la série, Le défoncé. C’est là un moyen d’humaniser quelque peu la « machine » Parker et de faire en sorte que le lecteur puisse malgré tout – en particulier dans ce roman où l’on tue sans scrupules et où l’on achève les blessés – trouver dans la carapace de ce héros ambigu un petit quelque chose auquel se rattacher. C’est aussi à l’aune de ces détails que l’on peut estimer à sa juste valeur le talent de Richard Stark.
Richard Stark, Blanc-bleu noir (The black ice score, 1968), Gallimard, Série Noire, 1969. Traduit par D. May.
Du même auteur sur ce blog : Comme une fleur ; Peau neuve ; Pour l’amour de l’or ; La clique ; En coupe réglée ; Rien dans le coffre ; Sous pression ; Le septième homme ; Travail aux pièces ; La demoiselle ; Le divan indiscret ; La dame ; Un petit coup de vinaigre ; L'oiseau noir ; Planque à Luna-Park ; Les citrons ne mentent jamais ; Le défoncé ; Portraits gratis ; Signé Parker ; Comeback ; Backflash ; Flashfire ; Firebreak ; Breakout ; À bout de course! ; Demandez au perroquet ; Argent sale.