Rétrospective Dortmunder (5) : Pourquoi moi ? de Donald Westlake
Pour une fois que l’un de ses braquages se déroule bien, Dortmunder met malencontreusement la main sur une bague d’une valeur inestimable que se disputent nationalistes grecs et turcs chypriotes. Bien vite, il se retrouve avec à ses trousses lesdits groupuscules, la police de New York, le FBI et même les truands de la ville, menés par Tiny Bulcher, qui entendent bien dérouiller celui qui, en volant le Brasier de Byzance, leur a collé tous les flics du coin sur le dos.
Après un petit creux avec Personne n’est parfait, Donald Westlake retrouve tout son mordant dans cette nouvelle aventure de Dortmunder. Sur un rythme échevelé et avec ironie, Westlake joue avec les factions nationalistes et religieuses, les policiers irlandais, les agents fédéraux sûrs d’eux et utilisant un vocabulaire abscons (« À l’appui de ce scénario, soulignons que la délégation soviétique aux Nations unies a déjà démenti toute implicité russe dans les événements de la nuit dernière. Signalons cependant un troisième potentialisme – celui d’une transférence par une faction dissidente de nationalité turque ») et bien entendu les voleurs bas du front à la recherche du bouc émissaire qui les a mis dans la panade en poussant la police à rafler tous les braqueurs de New York.
Pourquoi moi ? est aussi l’occasion pour Westlake de mettre en place ce qui va devenir un gimmick des aventures de Dortmunder, sa haine de la modernité incarnée par tous les nouveaux gadgets dont use avec inconséquence Andy Kelp. Ici, il s’agira des répondeurs téléphoniques et autres appareillages de transfert d’appels qui donnent lieu à des scènes particulièrement loufoques. On fera par ailleurs connaissance avec un futur personnage récurent, le fourgue Arnie Albright, sale et détestable, dont tout le potentiel comique apparaît déjà malgré une bien courte apparition.
Bref, Pourquoi moi ? est incontestablement un Dortmunder du haut du panier, sans baisse de rythme, dans lequel Westlake réussit à faire évoluer autour de son héros toute une galerie de personnages stéréotypés dont il tire toute la substantifique moelle comique. Un des quelques volumes de la série dont la lecture est immanquable.
Donald Westlake, Pourquoi moi ? (Why Me ?, 1983), Rivages/Noir, 2006. Traduit par Sophie Mayoux (traduction révisée et complétée par Patricia Christian). Première traduction française par Gallimard, Série Noire (Ça n’arrive qu’à moi, 1984)
Dans la série Dortmunder sur ce blog : Pierre qui roule ; Comment voler une banque ; Jimmy the Kid ; Personne n’est parfait ; Dégâts des eaux ; Histoire d'os ; Au pire qu'est-ce qu'on risque? ; Mauvaises nouvelles ; Voleurs à la douzaine ; Les sentiers du désastre ; Surveille tes arrières ; Et vous trouvez ça drôle? ; Top Réalité ;