Rétrospective Dortmunder (2) : Comment voler une banque, de Donald Westlake.
« Assis dans le break volé, à côté de Kelp qui l’entrainait avec optimisme dans sa chasse aux chimères, Dortmunder avait l’impression de vivre là toute l’histoire de sa vie. Sa chance n’était jamais totale, ni complètement absente. Elle oscillait toujours autour d’un savant équilibre qui faisait que veine et déveine se neutralisaient systématiquement ».
On ne peut mieux dire à propos de Dortmunder. Toujours assez fort et chanceux pour réussir ses coups, y compris lorsqu’il est pourtant plus que réticent à les monter – c’est-à-dire quasiment à chaque fois – il n’a jamais assez de chance pour pouvoir profiter paisiblement du fruit de son labeur. Et on se doute bien que ce deuxième épisode de la série ne dérogera pas à cette règle bien établie depuis le premier volume des aventures de Dortmunder qui l’a vu réussir à plusieurs reprise à réaliser un braquage exemplaire avant de devoir recommencer à cause d’un grain de sable venu se loger dans ses plans pourtant bien huilés.
Ici, donc, Dortmunder et ses comparses habituels décident non pas de braquer une banque mais bien de voler une banque. En entier. Tout le bâtiment puisque, les locaux habituels étant en travaux, l’établissement a été transféré dans un mobil-home. Mauvais présage, c’est un neveu de Kelp qui amène le coup. Un neveu ex-agent du FBI renvoyé pour avoir voulu instaurer une poignée de main secrète entre les agents.
Comme dans le précédent épisode des aventures de Dortmunder, Westlake prend explicitement pour modèle Parker (les références au héros de Richard Stark continuent de parsemer le roman) afin de mieux le détourner de façon burlesque. Comme chez le braqueur froid et sans pitié, l’amateur qui amène le coup représente une menace. La différence étant que, pour Dortmunder, le nouveau venu n’est pas la seule épine à se planter dans son pied, sa malchance légendaire se chargeant d’aggraver considérablement les choses.
Certes, le lecteur voit arriver les problèmes longtemps à l’avance et n’est pas surpris lorsqu’ils s’abattent sur l’équipe de braqueurs. Mais là n’est pas l’essentiel. On sait que cela se passera. Ce que l’on ne sait pas – et c’est là que Westlake joue de son talent pour nous prendre par surprise – c’est quand cela se passera et, surtout, quelle solution loufoque trouveront Dortmunder et son équipe pour s’en tirer malgré tout.
Millimétré, ne laissant aucune place aux digressions inutiles, Comment voler une banque apparaît incontestablement comme l’un des meilleurs romans de la série. Westlake s’en donne à cœur joie et son plaisir se révèle d’autant plus communicatif que la nouvelle traduction proposée par Rivages lui rend amplement justice.
Donald Westlake, Comment voler une banque (Bank Shot, 1972), Rivages/Noir, 2011. Traduit par Maud Sinet (traduction révisée et complétée par Aldéric Gianoly). Première traduction française à la Série Noire (Le Paquet, 1973, rééd. Carré noir, 1982).
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