Rétrospective Dortmunder (3) : Jimmy the kid, de Donald Westlake
Dans ce troisième volet des aventures de John Archibald Dortmunder et de sa bande bras cassés, Donald Westlake décide de jouer sur le mode de la mise en abyme. Dortmunder accepte, comme d’habitude à reculons, de mettre en place un coup apporté par le jovial et très optimiste Kelp. Il s’agit de kidnapper le fils d’un millionnaire pour obtenir une rançon. L’avantage est qu’il n’y a aucun plan à mettre en place. En effet, Kelp a décidé de s’inspirer d’un roman d’un certain Richard Stark mettant en scène un braqueur de génie appelé Parker[1].
À partir de ce roman imaginaire, Vol d’enfant, dont il nous gratifie de larges extraits, Donald Westlake s’amuse donc à montrer au lecteur l’important décalage qui existe à la fois entre la fiction et la réalité et entre Parker et Dortmunder. Un lieu commun chez les lecteurs de Stark est de dire que les coups de Parker sont si bien montés que de véritables gangsters pourraient s’en inspirer. Westlake montre ici à quel point cela n’est qu’illusion. Confrontant Dortmunder et sa bande à une réalité bien plus prosaïque, il pointe les failles de ses propres romans en la matière. Des failles qui, bien entendu, ne peuvent que s’élargir lorsque Kelp, Murch et sa maman et Dortmunder sont aux commandes et que le gamin qu’ils ont décidé d’enlever se révèle être un petit génie.
C’est bien de ce décalage que le roman tire sa force comique, plus que des monologues intérieurs de Jimmy ou même de l’attitude de son millionnaire de père obsédé par ses affaires et qui vit cet enlèvement comme un nouveau contrat venant bouleverser son emploi du temps. Si ces points font sourire, ils viennent aussi souvent couper le rythme. Et d’ailleurs, lorsque, dans la dernière partie du livre, ils se trouvent moins et mieux exploités par l’auteur, il est évident que le roman prend une dimension autrement plus amusante et trépidante… cartoonesque.
Au final, cette troisième aventure qui lance véritablement la série est à moitié réussie. Si l’exploitation de la comparaison, forcément défavorable à l’équipe de Dortmunder, avec le plan de Parker et l’opposition entre une bande de crétins et un enfant précoce vaut incontestablement le détour, les premières parties, où Westlake semble courir plusieurs lièvres à la fois, souffrent de quelques longueurs. Il n’en demeure pas moins que l’on passe un bon moment et que l’on commence forcément à s’attacher à Dortmunder et à sa bande.
Donald Westlake, Jimmy the kid (Jimmy the Kid, 1974), Rivages/Noir, 2005. Traduit par Patrick Floersheim (traduction révisée et complétée par Patricia Christian). Première traduction française par Gallimard, coll. Super Noire (V’là aut’ chose !, 1976).
Dans la série Dortmunder sur ce blog : Pierre qui roule ; Comment voler une banque ; Personne n'est parfait ; Pourquoi moi? ; Dégâts des eaux ; Histoire d'os ; Au pire qu'est-ce qu'on risque? ; Mauvaises nouvelles ; Voleurs à la douzaine ; Les sentiers du désastre ; Surveille tes arrières ; Et vous trouvez ça drôle? ; Top Réalité.
[1] Rappelons à toute fin utile que Richard Stark est le pseudonyme sous lequel Donald Westlake a écrit toute une série de romans mettant en scène Parker. Nous avons déjà fait une rétrospective de cette série.