Rétrospective Parker (1) : Comme une fleur
Cela me démangeait depuis un moment. Relire tous les Parker (et Grofield) et les Dortmunder dans l’ordre. Alors voilà c’est parti. J’essaierai, dans la mesure du possible, de vous en proposer un par semaine. De quoi tenir une bonne partie de l’année.
Et on commence donc en 1962 avec la parution aux États-Unis de ce qui deviendra un roman majeur du polar, The Hunter, traduit dès l’année suivante en France sous le titre Comme une fleur. L’auteur, Richard Stark, écrit sous pseudonyme et il s’agit en fait de Donald Westlake, un jeune auteur puisqu’il ne se consacre à l’écriture que depuis la fin des années 1950 et a vu publié son premier polar en 1960.
Comme une fleur met pour la première fois en scène Parker, truand spécialisé dans diverses formes de braquages et planificateur hors-pair. Surtout, Parker à cela de particulier qu’il ne montre généralement aucun sentiment : pas de pitié, d’amour ou de haine. C’est un homme de principes et de règles. S’il tue, s’est uniquement pour se protéger ou parce que quelqu’un a enfreint une règle. Il est vrai que cela arrive assez souvent… Comme une fleur, dans sa première partie surtout, est un des rares romans de la série où l’auteur fait un tant soi peu réagir Parker selon des sentiments forts. Peut-être justement parce que ce roman n’était pas à l’origine destiné à avoir une suite et que Stark/Westlake se devait de lui trouver une once de motivation « humaine », ce qui sera moins nécessaire dans les volumes suivants, les caractéristiques du personnage étant dorénavant bien établies après l’acte fondateur de Comme une fleur.
L’acte en question est le retour de Parker. Il débarque à New York après s’être évadé d’une ferme-prison de la côte Ouest où il a échoué après avoir été trahi et laissé pour mort par l’un des complices de son dernier coup, Mal, et sa propre femme, Lynn. C’est le désir de vengeance qui motive alors Parker. Mais s’il veut clairement éliminer Mal, ses sentiments vis-à-vis de Lynn sont plus ambivalents : il la hait et voudrait qu’elle souffre, mais ne veut pas vraiment qu’elle meure… même si cela arrive et que ça ne dérange pas Parker. Il ne lui reste plus dès lors qu’à trouver Mal et à le tuer pour assouvir sa vengeance, remettre les compteurs à zéro. Sauf que, pour vraiment remettre ces compteurs à zéro, Parker doit encore récupérer l’argent du braquage avec lequel Mal était parti. Or, Mal s’est servi du butin pour rembourser l’Organisation avec laquelle il était en dette.
Dès lors, on se trouve face au Parker que l’on va suivre durant la série de romans qui lui sont consacrés. Stark/Westlake a utilisé lui-même la comparaison : Parker serait une sorte de petit artisan, aimant le travail bien fait, se heurtant à un monde dans lequel il apparaît comme un anachronisme. Un monde symbolisé ici par l’Organisation. Mais Parker ne s’en laisse pas compter. Il récupèrera son argent vaille que vaille, parce que c’est ainsi que cela doit être et, malgré son emprise tentaculaire sur le monde du banditisme, l’Organisation devrait se plier à cette règle, comme il l’explique à Fairfax, un de ses dirigeants : « Il y a vous et votre organisation, et il y a nous. Nous n’avons pas d’organisation, mais nous sommes des professionnels. Nous nous connaissons tous. Nous nous soutenons. Vous y êtes ? ».
Comme une fleur est un roman dur avec un héros dont les caractéristiques « hard boiled » sont poussées à leur maximum, à cela près qu’il s’agit cette fois d’un truand et non pas d’un flic ou d’un privé. Sec, clinique et fascinant, il renouvelle le genre et n’est malgré tout pas dénué d’un certain humour à froid. C’est un livre essentiel.
N’ayez crainte, les présentations ayant été faites la prochaine chronique devrait être un peu plus courte.
Pour les cinéphiles, ce roman a donné lieu à deux adaptations : Point Blank, en 1967, de John Boorman, avec Lee Marvin, œuvre baroque, hallucinée, vraiment très particulière qui prend pas mal de libertés avec le bouquin (on trouvera une chronique instructive sur Le Vent Sombre). Payback, en 1998, par Brian Helgeland – scénariste d’une autre adaptation de polar, LA Confidential – avec Mel Gibson. Très fidèle au roman au départ, il tend à s’en éloigner peu à peu pour laisser place à une histoire d’amour entre Porter (oui, les studios aiment bien changer les noms, Gibson est Porter et, en 1967, Marvin est Walker) et une prostituée, et à de multiples rebondissements finaux avec des Chinois en tenues de cuir qui donnent un côté grand guignol au film. Il faut aussi bien dire qu’on attend toujours que Mel Gibson nous sorte une réplique à la Martin Riggs. Quand un rôle vous colle à la peau…
Pour les bédéphiles, les aventures de Parker bénéficient d’une adaptation récente dont j’ai entendu dire du bien mais que je n'ai pas encore eu l'occasion de lire. Fred Prilleux en parle sur le blog BédéPolar.
Enfin, vous pouvez trouver une belle interview de Donald Westlake par Christophe Dupuis sur le site d’Entre-deux-noirs.
Richard Stark, Comme une fleur, Gallimard, Série Noire, 1963. Traduit par Philippe Marnhac.
Il vous faudra sans doute faire les bouquinistes, les vide-greniers ou les sites internet d’occasions pour trouver les premières aventures de Parker en attendant, peut-être, que quelqu’un se décide enfin à les rééditer comme Rivages le fait depuis quelques années avec les premiers Westlake qui bénéficient de nouvelles traductions et s’en trouvent aussi souvent enrichis.
Du même auteur sur ce blog : Peau neuve ; La clique ; Pour l'amour de l'or ; En coupe réglée ; Rien dans le coffre ; Sous pression ; Le septième homme ; Travail aux pièces ; La demoiselle ; Le divan indiscret ; Blanc-bleu noir ; La dame ; Un petit coup de vinaigre ; L'oiseau noir ; Planque à Luna-Park ; Les citrons ne mentent jamais ; Le défoncé ; Portraits gratis ; Signé Parker ; Comeback ; Backflash ; Flashfire ; Firebreak ; Breakout ; À bout de course! ; Demandez au perroquet ; Argent sale .