Rétrospective Dortmunder (6) : Bonne conduite, de Donald Westlake
Dans cette sixième aventure, après – encore – un coup raté, Dortmunder se trouve bien involontairement refuge dans un couvent de sœurs ayant fait vœu de silence. Ces dernières décident de ne pas le livrer à la police à condition qu’il les aide à délivrer Sœur Marie de la Grâce. C’est que la jeune sœur, par ailleurs riche héritière d’un financier dominant New York et même apparemment propriétaire de plusieurs pays d’Amérique centrale[1], a été enlevée par son père qui la séquestre au dernier étage du gratte-ciel de sa banque.
Une fois encore, un terrible concours de circonstances entraine Dortmunder dans un engrenage dont il aura bien du mal à se dépêtrer. Obligé de s’adjoindre les services d’un vieux libidineux tout juste sorti après 48 ans de taule et d’un Tiny Bulcher encore plus dénué de patience qu’à l’accoutumée, confronté à des mercenaires en manque de sang et à un maître du monde adepte des aphorismes les plus plats, le héros malchanceux de Westlake a fort à faire.
Plus encore que d’habitude, Westlake entremêle les situations, multiplie les personnages et les petites intrigues annexes sans pour autant perdre le fil ni le faire perdre au lecteur. Autant dire que l’on s’amuse franchement à suivre les mésaventures d’un Dortmunder définitivement poissard et résigné, l’idylle particulière qui naît entre Tiny et J.C. Taylor (qui fait ici sa première apparition avant de devenir un personnage récurent), les plans d’invasion des mercenaires et les petites digressions de l’auteur au sujet des phobies, de la croyance dans l’impossibilité d’une catastrophe qui règne aussi bien dans les salles de surveillance de Three Miles Island ou de l’usine Union Carbide de Bhopal que dans le poste de garde d’un immeuble abritant banques, joailliers, et grossistes en pierres précieuses et semi-précieuses.
Totalement maîtrisé, donc, Bonne conduite apparaît d’autant plus bon qu’il est l’un des romans de Westlake qui a sans doute le plus bénéficié de la révision de sa traduction (pour autant que nos souvenirs de lecture de la version en Série Noire soient fiables). Bref, une espèce de Dortmunder-étalon.
Donald Westlake, Bonne conduite (Good Behavior, 1985), Rivages/Noir, 2009. Traduit par Rosine Fitzgerald (traduction révisée et complétée par Patricia Christian) Première traduction française par Gallimard, Série Noire (Le ciel t’aidera ? 1988).
Dans la série Dortmunder sur ce blog : Pierre qui roule ; Comment voler une banque ; Jimmy the kid ; Personne n’est parfait ; Pourquoi moi ? ; Dégâts des eaux ; Histoire d'os ; Au pire qu'est-ce qu'on risque? ; Mauvaises nouvelles ; Voleurs à la douzaine ; Les sentiers du désastre ; Surveille tes arrières ; Et vous trouvez ça drôle? ; Top Réalité.
[1] Dont le Guerrera dirigé par le général Pozos, croisé lors d’une aventure de Grofield, compère de Parker, héros de Richard Stark (La demoiselle, 1969).