Harpur et Iles (5) : Franc-jeu, de Bill James

Publié le par Yan

Problème pour Sarah, épouse du chef-adjoint de la police Desmond Iles : venue avec son amant, truand à la petite semaine, dans un club mal famé, elle a assisté à une scène troublante. Un homme gravement blessé venu se réfugier dans le bar en a été extrait par un groupe d’hommes qui, de toute évidence ne lui voulait pas de bien. A-t-elle été témoin d’une exécution ? La question la hante, mais impossible d’en parler à son époux. Toutefois, la pression va se faire de plus en plus forte au fur et à mesure que des menaces vont les viser elle et son amant et que, de leur côté, Desmond Iles et Colin Harpur, enquêtent sur l’éventuel déclenchement d’une guerre des gangs dans leur ville.

Le titre du cinquième roman mettant en scène Harpur et Iles relève bien entendu de l’antiphrase. Personne ici ne joue franc-jeu. Ni la police, ni les gangsters, bien entendu, et encore moins Sarah Iles, cherchant à dissimuler à tout prix sa liaison, et Desmond Iles faisant tout son possible pour fermer les yeux sur celle-ci, qu’il ne peut que voir, sans pour autant y arriver.

C’est tout l’intérêt de ce roman de Bill James que de renvoyer dos à dos vérité et mensonge, policiers et criminels. Avec son cynisme habituel, l’auteur britannique montre combien les frontières entre les uns et les autres sont fines et mouvantes, et à quel point les principes et les valeurs que chacun se targue d’avoir ou de défendre sont régulièrement écartés quand ils ne sont pas purement et simplement piétinés.

Tout cela est fait avec finesse et surtout une réjouissante ironie malgré la violence de l’histoire. James prend en effet un malin plaisir à montrer combien les différences entre les uns et les autres sont toutes relatives, jusqu’à une fin dans laquelle il préserve une certaine ambigüité. Au-delà de l’intrigue, juste assez alambiquée pour maintenir un certain suspense, l’intérêt de Franc-jeu tient avant tout à ces questions morales, et à la forme choisie par l’auteur pour les mettre en exergue, particulièrement des dialogues ciselés qui caractérisent avec humour les personnages.

Par ailleurs, après s’être focalisé sur Harpur et sa famille, il dévoile ici l’intimité du cynique Desmond Iles, le rendant plus complexe encore. Le monde que James a créé commence à réellement s’ordonner, ses personnages continuent de se révéler dans toute leur profondeur et avec leurs contradictions. C’est remarquablement fait.

Bill James, Franc-jeu (Come Clean, 1989), Rivages/Noir, 2005. Traduit par Danièle et Pierre Bondil. 365 p.

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