Harpur et Iles (7) : Club, de Bill James
Ça lui pendait au nez. Ian Aston vient d’être retrouvé dans un terrain vague, le crâne défoncé. La police enquête, certes, mais sans grand enthousiasme. Car si Aston frayait avec le milieu et que ceux qui pouvaient avoir envie de se débarrasser de lui sont assez facilement identifiables de ce côté-là, il ne faut pas oublier qu’il était aussi l’amant attitré de Sarah Iles, l’épouse de l’adjoint au chef de la police.
Aston, par ailleurs, travaillait apparemment depuis quelques temps pour Oliver le Diplomate, talentueux organisateur de braquages. Le Diplomate a donc besoin de quelqu’un pour le remplacer et jette son dévolu sur Ralph Ember, le patron du Monty, ce club pour gentlemen dans lequel vient traîner tout le milieu local. Rangé des affaires depuis longtemps, sévèrement handicapé par son surnom de Ralph la Panique, Ember finit par se laisser convaincre. Mais entre l’amicale pression de la police qui enquête sur la mort d’Aston et celle de Peter Chitty, l’adjoint du Diplomate, le patron de bar a de quoi s’inquiéter pour son avenir.
Comme dans l’épisode précédent, Bill James déplace la focale vers un personnage secondaire, que l’on a par ailleurs déjà eu l’occasion de croiser à plusieurs reprises. Et toujours comme dans Sans états d’âme, ce qui l’intéresse à travers ce personnage, c’est la façon dont se pose un certain conflit de générations entre vieux briscards du milieu et nouveaux venus aux dents longues. Si le Diplomate semble n’avoir aucune réserve sur les talents d’Ember, ce n’est pas le cas des hommes qui travaillent pour lui et ne voit dans le barman qu’un homme fini. À lui dès lors de tenter de gagner un soupçon de respectabilité dans ce monde de truands dont il dépend, mais aussi à ses propres yeux. Personnage pathétique conscient de ses failles mais désireux de se débarrasser de la réputation foireuse qui lui colle aux doigts comme un vieux sparadrap, Ember ne peut se contenter de rester passif et va donc jouer ici le rôle du chien dans un jeu de quilles.
De leur côté, Harpur et Iles ne sont pas inactif, le premier tentant d’innocenter son chef, le second faisant tout pour maintenir une certaine ambiguïté autour de la mort d’Aston. On voit surtout que la relation entre les deux hommes évolue de plus en plus vers une sorte de respect mutuel assorti d’une franche méfiance. Quant à Sarah Iles, que l’on avait déjà eu l’occasion de suivre d’assez près, elle prend ici encore plus d’épaisseur et de complexité, que cela soit dans sa relation avec son mari, dans celle qui se noue avec Harpur ou – surtout – dans sa maternité, face une enfant dont l’incertitude sur l’identité du père rejaillit en partie sur la manière qu’elle a de l’aimer.
Il ressort de tout cela un récit touffu, bourré d’intrigues croisés et de personnages cherchant à paraître comme ce qu’ils ne sont pas ou, au contraire, incapable de faire semblant. Bill James jongle avec tout cela avec son talent habituel, son sens du tragique et son sens de l’humour. C’est une grande réussite.
Bill James, Club (Club, 1991), Rivages/Noir, 2008. Traduit par Danièle Bondil. 372 p.
Du même auteur sur ce blog : Raid sur la ville ; Lolita Man ; Le cortège du souvenir ; Protection ; Franc-jeu ; Sans états d’âme ; À cheval sur une tombe ; Question d'éthique ; Retour après la nuit ; En de bonnes mains ;