Harpur et Iles (3) : Le cortège du souvenir, de Bill James

Publié le par Yan

Romans, récits autobiographiques ou films, la figure du policier infiltré dans une organisation criminelle est devenue un motif habituel du genre noir ou policier. Pas étonnant qu’on la retrouve chez Bill James qui, en 1987 (date de parution originale), décide d’en faire le thème du Cortège du souvenir.

L’infiltré, ici, s’appelle Ray Street. Jeune policier ambitieux, il a, sous les ordres de Colin Harpur, pénétré au cœur de l’organisation de Jamieson. Plus encore, il a pénétré le lit de Jamieson, chef de gang sociopathe tombé amoureux de celui qu’il croît être un jeune voyou dévoué. Mais une livraison de drogue à laquelle participe Street se passe mal ; la police veut faire tomber Jamieson et retirer au plus vite Street du dispositif. Sauf que ce dernier est allé trop loin pour accepter d’abandonner une mission pour laquelle il a franchi nombre de barrières morales.

Ça n’est là que le début de ce troisième volet de la série mettant en scène Harpur et Iles. Car Bill James, aime les ruptures et commencer réellement ses romans là où d’autres arrêteraient les leurs. La destinée tragique de Street est inéluctable. On le sait très tôt. Et les dilemmes qui agitent Harpur, coincé entre un Street trop impliqué pour vouloir se retirer et une hiérarchie effrayée moins par les risques que prend leur agent que par ceux de voir révélées les compromissions qu’il a acceptées pour mener sa mission, ne font que mettre l’accent sur cet inévitable dénouement fatal.

Street va mourir. On le sait et, d’une certaine manière, lui-même comme Harpur, Iles ou le chef Lane le savent aussi, ce qui n’empêche nullement Bill James, dans une première partie de son roman de faire progressivement monter la tension et de captiver le lecteur.

Vient ensuite le temps de la justice. Ou, comme cela apparaît très vite, le temps de la vengeance. Car pour traduire un criminel devant la justice, il faut des preuves. Et un criminel aussi retors que Jamieson n’en laisse pas. Il convient donc de les fabriquer. Et James de jouer encore une fois avec ses personnages principaux. Harpur, encore et toujours accablé sous le poids de divers fardeaux – la mort de Street dont il se sent nécessairement responsable, sa liaison avec Ruth Avery – et Iles, cynique, opportuniste, toujours prêt à sacrifier des pions pour sauver sa place mais par ailleurs convaincu qu’il est impossible pour son institution de montrer un quelconque signe de faiblesse vis-à-vis du crime organisé. Ainsi se joue une nouvelle alliance de circonstances qui ne fait que tendre encore les relations entre les deux hommes et les placer en porte-à-faux vis-à-vis de leur hiérarchie, mais aussi de leurs troupes.

D’un motif classique, Bill James arrive donc finalement à tirer un roman très dense derrière une structure étonnante qui utilise volontiers l’élision pour mieux avancer sans accumuler les explications fastidieuses. Il pose par ailleurs un certain nombre de questions morales – et notamment sur la manière dont on s’accommode ou pas des arrangements avec la sienne propre – et, surtout, creuse encore et toujours l’étude de caractères de ce groupe de policiers en équilibre sur une ligne jaune qu’ils franchissent régulièrement.

Conjuguant la force de l’intrigue et l’épaisseur du fond, Le cortège du souvenir apparaît comme l’un des meilleurs romans de cette série d’une rare qualité.

Bill James, Le cortège du souvenir (Halo Parade, 1987), Rivages/Noir, 2003. Traduit par Danièle et Pierre Bondil. 269 p.

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Publié dans Noir britannique

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