Harpur et Iles (8) : À cheval sur une tombe, de Bill James
Ralph Ember, dit Ralph la Panique, patron du Monty, le club dans lequel se retrouve toute la pègre de la ville, mais aussi une partie de la police, a commencé à prendre de l’importance dans la série de Bill James avec le roman précédent, Club. Il est totalement au centre d’À cheval sur une tombe.
En effet, après le braquage décrit précédemment et ses conséquences aussi désagréables pour une partie des braqueurs et des braqués que pour la police, Ember se retrouve assis sur une partie du magot. Bien assez pour susciter des convoitises, mais trop peu à son goût. Sous la surveillance étroite de Harpur et Iles et celle de quelques anciens complices qui se sentent lésés, Ralph cède quelque peu à cette panique à laquelle il doit son surnom. Une panique qui peut s’exprimer de diverses façons : paralysie, crises de culpabilité et besoin de réparer qui va avec, ou explosions de violences. Quand cette incapacité à tenir ses nerfs se mêle non seulement à son avidité mais aussi à son besoin maladif de reconnaissance, il s’engage sur une pente particulièrement glissante. Le meurtre de l’organisateur du braquage, le redouté Oliver le Diplomate, puis l’enlèvement de la fille adolescente de ce dernier et la demande de rançon qui va avec mettent Ember en porte-à-faux. Coincé entre la femme du Diplomate, sa propre famille, la police et les mystérieux ravisseurs, la Panique se retrouve de fait à cheval sur une tombe qui pourrait bien être la sienne.
Ce huitième volet des enquêtes de Harpur et Iles, plus encore que le précédent, laisse un peu les deux policiers de côté pour se concentrer, donc, sur la manière dont Ralph Ember semble, une mauvaise décision en entraînant une autre et le poussant à s’enfoncer un peu plus, creuser sa propre tombe. Ce tourbillon de choix regrettables qui poussent peu à peu Ember dans l’impasse est parfaitement construit par un Bill James qui paraît prendre un véritable plaisir à le malmener et à le peler comme un oignon de roman en roman pour nous en révéler chacune des facettes et construire ainsi un personnage d’une rare complexité.
À la périphérie, Iles et Harpur ne demeurent pas figés. La relation entre les deux hommes évolue lentement mais, sous le couvert de l’humour, les piques se font plus acérées et l’on sent une véritable tension s’installer, laissant présager de heurts à venir.
« - J’adore cette notion, la mer reconquiert des espaces que l’homme a investis, déclara Iles. Il y a des gens que cela terrifie, bien sûr. Ils redoutent l’apocalypse. Personnellement, je me suis toujours senti une affinité avec l’océan déchaîné.
-J’ai entendu certaines personnes évoquer cette ressemblance, chef, dit Harpur.
-Avec quel océan ? demanda Iles.
-Oh, un des meilleurs, chef. »
Bill James maintient le cap : ses romans demeurent de purs romans noirs, et de terribles études des travers humains, en particulier de l’égotisme de ses personnages, flics, voyous, femmes des uns et des autres. L’humour, tout à la fois salutaire et cruel, vient encore renforcer cette noirceur en la teintant d’une bonne dose de cynisme et certainement d’un soupçon de misanthropie. Bref, tout cela est toujours aussi réjouissant.
Bill James, À cheval sur une tombe (Astride a Grave, 1991), Rivages/Noir, 2010. Traduit par Danièle Bondil. 319 p.
Du même auteur sur ce blog : Raid sur la ville ; Lolita Man ; Le cortège du souvenir ; Protection ; Franc-jeu ; Sans états d’âme ; Club ; Question d'éthique ; Retour après la nuit ; En de bonnes mains ;