Avis d’obsèques, de Michel Embareck

Publié le par Yan

avis-d-obseques-acFabrice Kerbrian du Roscoät, le patron de France-Océan, est retrouvé mort, abattu d’une balle dans la tête, dans une rue de Saproville-sur-Mer. Un meurtre qui fait évidemment vaciller le petit empire de la presse régionale des Kerbrian du Rascoät et met en émoi les notables de la ville.

Parallèlement, Victor Boudreaux, le privé franco-cajun aux méthodes expéditives qui commence à se remettre de son AVC, se trouve mêlé, par l’intermédiaire de sa nièce chérie partie à la Nouvelle-Orléans, à un trafic d’art religieux, ce qui n’est pas vraiment pour lui plaire.

Comme les policiers chargés de l’enquête sur le meurtre de Fabrice Kerbrian du Roscoät, Boudreaux va commencer à remuer la fange sur laquelle repose Saproville-sur-Mer.

Troisième roman mettant en scène Victor Boudreaux, Avis d’obsèques reprend une formule éprouvée : un meurtre qui, à la manière d’une explosion de furoncle, met à jour la pourriture sous-jacente d’une petite ville de province. Sapros, le mot grec qui donne son nom à Saproville-sur-mer évoque d’ailleurs, comme le rappelle Patrick Foulhoux sur son blog, la pourriture et la corruption. La Saproville d’Embareck – comme avant Bénipurhain dans  Le rosaire de la douleur, et  Moizy-les Beauges dans La mort fait mal[1] – et Victor Boudreaux, pendants français de la Poisonville et du Continental Op de Hammet, est donc une allégorie du vice et de la corruption des petits décideurs de province autant que de l’impuissance de ceux qui tentent de la mettre à jour ou de l’éliminer.

Porosité et collusion entre milieux d’affaires, politiques locaux, banditisme, justice, par l’intermédiaire souvent de loges maçonniques locales, sont la règle dans les sous-préfectures d’Embareck et seule l’intervention d’un élément extérieur se déliant des lois et convenances peut, si ce n’est les faire exploser, à tout le moins les faire vaciller sur leurs bases.

Boudreaux dont on suit le parcours parallèlement à l’enquête de police sur le meurtre du patron de presse, est cet élément, ce chien dans un jeu de quilles qui, on s’en doute bien, va redistribuer à un moment ou un autre les cartes, fussent-elles issues d’un jeu truqué.

Toujours conté avec une plume imaginative – et imagée –  et ironique par un écrivain lui-même ancien fait-diversier et rompu autant aux procédures policières et judiciaires qu’aux dessous peu ragoûtant des notables provinciaux[2], Avis d’obsèques, au-delà de la petite histoire de meurtre ou de trafic d’œuvre d’arts, montre aussi la face cachée de nos « villes fleuries » et autres « villages de charme » et n’oublie pas de rattacher cela à des mouvements plus profonds, aux épisodes historiques peu glorieux qui les fondent, et dresse par ailleurs le portrait d’une presse en crise qui continue à s’enfoncer dans la médiocrité pour mieux laisser le champ libre à la corruption des élites et à l’apathie des masses. Sous le petit polar rigolo d’aspect anodin se cachent aussi parfois quelques vérités bonnes à dire et un travail d’écriture plus original que la masse de romans noirs et thriller à serial killers et flics déprimés qu’Embareck tacle un peu au passage.

Michel Embareck, Avis d’obsèques, L’Archipel, 2013.

Du même auteur sur ce blog : Cachemire Express ; À retardement  ; Rock en Vrac  ; La mort fait mal  ; Très chers escrocs ; Le rosaire de la douleur ; Personne ne court plus vite qu'une balle ; Jim Morrison et le diable boiteux ; Bob Dylan et le rôdeur de minuit ;

 

[1] Que L’Archipel réédite d’ailleurs en poche.

[2] Et qui met en scène un double à travers le journaliste blanchi sous le harnais Franck Schirmeck.

Publié dans Noir français

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A
ce roman a l'air particulièrement noir, rien que le titre avis d'obseques en dit long
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Y
Sans blague. En fait, c'est très marrant.