Livre d'Histoires : Rock en vrac, de Michel Embareck
Particulièrement prolixe cette année, Michel Embareck est déjà de retour, après Cachemire express et À retardement, avec son Rock en vrac, rencontres avec des caïds du rock et du roman noir. Vrais gros caïds, comme Strummer, Angus Young, James Lee Burke, James Crumley ou Bo Diddley, ou caïds de pacotille comme Johnny Rotten qui prend un sévère coup de latte au détour d’une phrase et d’une légende de photo.
Ce livre a, a priori, tout de l’exercice casse-gueule par excellence, avec le risque de sombrer bien vite dans le récit autobiographique vieux-conniste du bon temps d’avant-que-maintenant-y-a-plus-rien-qu’est-pareil-ma-bonne-dame. Certes, Michel Embareck n’est plus tout jeune (il se plaît à rappeler régulièrement comment, en 1908, il allait au stade avec des amis tarbais jeter des muselières à Louis Ramondou, le boulet rouge du Stade Toulousain), mais s’il a conservé un teint frais de participante au rallye Vendôme, c’est aussi parce qu’il a su garder la plume alerte et une pudeur qui le pousse à mettre en avant les autres plutôt que lui-même.
Ainsi nous décrit-il les temps héroïques de la naissance du punk, la face cachée d’AC/DC, l’atmosphère chaotique de Kingston à la fin des années 1970 ou la vie des forçats du rock français, tout en demeurant toujours légèrement en retrait. Lorsqu’il passe fugitivement sur le devant de la scène, c’est pour saisir l’occasion de conter une anecdote de derrière les fagots sur la guitare de Bo Diddley ou pour une déclaration d’amour. À Bernard Lavilliers, le complice de quarante ans, à la Nouvelle-Orléans… à la musique, tout simplement. Un amour vrai, qui n’est pas aveugle et qui se satisfait et se nourrit des plus ou moins légers travers de l’autre. C’est bien entendu toujours aussi bien écrit – ce qui fait que ce livre n’est pas un simple recueil à ranger dans la catégorie « documents » – et drôle, car c’est souvent dans l’humour que vient se nicher la pudeur. Ainsi de ces quelques lignes extraites du chapitre consacré à Lavilliers :
« Aussi à l’aise entre deux déserteurs du cartel de Medellin dans une taverne de Maracaïbo qu’au milieu des retraités prématurés des Houillères du Bassin de Lorraine, il n’en perd pas une miette. Chaque anecdote ressurgira un jour revue et corrigée par son prisme imaginatif. Demandez-lui où dort le trésor des Républicains espagnols, où se cache la fille aux yeux d’émeraude et même qui possède les clefs du coffre chez Liliane B., Lavilliers saura inventer une histoire de traviole aussi crédible que les récits de chasse d’Hemingway ».
Suivent quelques nouvelles, dont certaines inédites, et des chroniques issues de Rolling Stone, qui, loin de dépareiller, s’intègrent bien à l’ensemble et, même, participent de sa cohérence en renforçant le caractère fantaisiste du récit de la première partie et en y ajoutant une part pas désagréable de fantasme et d’imaginaire.
C’est intéressant comme un livre d’Histoire et c’est beau comme un livre d’histoires, c’est Rock en vrac.
Michel Embareck, Rock en vrac. Rencontres avec des caïds du rock et du roman noir, L’Écailler, 2011.
Du même auteur sur ce blog : Cachemire Express ; À retardement ; La mort fait mal ; Très chers escrocs ; Le rosaire de la douleur ; Avis d'obsèques ; Personne ne court plus vite qu'une balle ; Jim Morrison et le diable boiteux ; Bob Dylan et le rôdeur de minuit ;