Nulle part sur la terre, de Michael Farris Smith
Paru il y a deux ans aux éditions Super 8, Une pluie sans fin, de Michael Farris Smith, était un assez bon roman post-apocalyptique dont on espérait alors qu’il annonçait pour la suite des écrits encore meilleurs. Michael Farris Smith est donc de retour avec Nulle part sur la terre, roman au décor plus sobre mais aux personnages bien plus fouillés et intéressants.
Maben erre avec sa fille le long d’une route entre Louisiane et Mississippi, revenant vers une ville dont elle est partie des années plus tôt. Toutes ses possessions tiennent dans un sac-poubelle et l’avenir – immédiat comme plus lointain – s’annonce bien sombre. Au point d’envisager même de vendre son corps pour gagner de quoi avancer encore de quelques dizaines de kilomètres et nourrir la petite Annalee.
Russel, lui, sort de prison après une peine de onze ans. Lorsqu’il descend du car qui le dépose dans la petite ville du Mississippi d’où il est originaire, un comité d’accueil l’attend pour le passer à tabac.
Finit-on jamais de payer ses erreurs ou celles des autres ? Peut-on briser le cercle de la violence et de la vengeance ? Peut-on enrayer le mécanisme de la chute ? Autant de questions que posent les destins entrecroisés puis même entremêlés de Maben et de Russel. Rien de bien exceptionnel donc pour un roman noir en général et pour un de ces romans du sud-est américain auxquels on commence maintenant à être habitués en particulier. James Lee Burke, cité en quatrième de couverture, compare Michael Farris Smith à Annie Proulx, Cormac McCarthy et – c’est un peu devenu la tarte à la crème pour tout écrivain sudiste – à Faulkner. Peut-être parce que je suis à côté de la plaque, au jeu des comparaisons j’ai plutôt pensé à Larry Brown. À cause du cadre bien sûr, ce Mississippi rural, ses petites communautés dans lesquelles tout le monde se connaît, où les amitiés comme les haines s’ancrent avec force, mais aussi pour la capacité de Michael Farris Smith a incarner des personnages complexes, tiraillés entre leurs instincts et leur raison, leur profond désir de liberté et la nécessité de gagner une forme de rédemption, le besoin d’essayer de recoller des morceaux dont ils savent qu’en fin de compte ils ne pourront jamais reformer la perfection de ce qui a été et n’est définitivement plus.
Tout cela, Michael Farris Smith le fait avec une grande finesse, évitant toujours le pathos inutile et la facilité qui consisterait à faire de ses deux personnages principaux de simples innocents injustement chahutés par la vie. Ni Maben ni Russel ne sont des salauds, certes, et sans doute ne méritent-ils pas le sort qui semble s’acharner sur eux, mais ils ont fait et continuent de faire des choix, bons et mauvais. Leur rencontre en est la conséquence et elle portera son lot de douleurs mais aussi de véritables moments de grâce.
Nulle part sur la terre est ainsi une histoire simple avec des personnages compliqués placés face à des choix douloureux. C’est surtout un beau roman.
Michael Farris Smith, Nulle part sur la terre (Desperation Road, 2017), Sonatine, 2017. Traduit par Pierre Demarty. 363 p.
Du même auteur sur ce blog : Une pluie sans fin ; Le Pays des oubliés ; Blackwood ;