Joe, de Larry Brown

Publié le par Yan

joeÀ l’occasion de la sortie française de l’adaptation cinématographique du roman de Larry Brown, les éditions Gallmeister ont la bonne idée de publier Joe, initialement paru chez Gallimard, dans une traduction révisée.

Joe, qui donné son nom au roman, vit dans un patelin du Mississipi. Repris de justice, alcoolique, toujours amoureux de la femme qui l’a quitté mais coureur, il a aussi la sensation d’être un homme libre.

« On peut pas vivre vingt ans avec quelqu’un sans le connaître, comme moi je la connais. Elle va tout le temps à l’église et moi jamais. Elle aime pas être avec des gens qui boivent, elle aime même pas sentir l’odeur de l’alcool. Moi je bois, et j’aime ça. C’est tout. Si t’es obligé de te disputer avec quelqu’un jour après jour, tu finis par en avoir marre de vivre avec lui. Et ça change rien si tu l’aimes. »

Cette liberté a toutefois une contrepartie ; une profonde solitude que les cuites et les longues parties de poker ne peuvent vraiment combler. Un jour son chemin croise celui de Gary Jones, adolescent issu d’une famille de vagabonds qui vit sous le joug d’un père aussi alcoolique que fainéant. Et Joe l’individualiste, celui qui semble ne pas avoir d’ami véritable, de prendre Gary sous son aile, peut-être pour rattraper tout le temps qu’il a perdu à ne pas s’occuper de sa propre famille ou peut-être parce que c’est lui-même qu’il voit dans le jeune homme.

Histoire de rédemption et d’émancipation, Joe est aussi la chronique d’une petite bourgade de rednecks avec ses braconniers, ses journaliers, ses flics plus ou moins coulants, ses vieilles rancunes mais aussi une certaine solidarité au quotidien.

Tout n’est pas rose et Larry Brown ne cherche pas à occulter la noirceur des histoires qu’il raconte. Mais il a cependant cette belle propension à ne jamais juger ses personnages, même les plus odieux ou pathétiques – à l’image de Wade, le père de Gary, tyran domestique, ivrogne intéressé seulement par son incessante quête d’alcool – chez lesquels il recherche toujours cette étincelle d’humanité qui fait que, si on ne les aime pas, on peut au moins les comprendre un peu. 

Au milieu de tout cela Joe et Gary, personnages magnifiques, ni héros ni banals, incarnent cette possibilité, aussi infime soit-elle, de s’extraire un peu de sa condition, de racheter une petite partie de ses fautes. Et Larry Brown de montrer encore, sans fard et sans fioritures, quel beau peintre de la nature humaine il est.

Larry Brown, Joe (Joe, 1991), Gallmeister, coll. Totem, 2014. Traduit par Lili Sztajn.

Du même auteur sur ce blog :  L'usine à lapins ; Sale boulot ; Faire front ; Dur comme l'amour ;

Publié dans Noir américain

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C
Bonjour,<br /> <br /> Je viens de lire "Joe" traduction française. La traduction est vraiment décevante et rend le livre dur à lire. Quelques exemples : si on ne sait pas que les mocassins sont des serpents, je ne sais<br /> plus à quelle page, mais on ne comprend pas pourquoi Gary lance une pierre. Comme peu de temps avant il y a eu une bagarre, on pense que le gars est encore là gisant. De façon générale, je me<br /> demande si la traductrice a utilisé un bon logiciel et a pris le temps de comprendre l'histoire. A d'autres endroits, la traductrice a utilisé le mot "glèbe" pour parler de la terre qui colle sous<br /> les chaussures... mot peu approprié. En plus, il y a quelques mots incomplets (pas de relecture soignée). Dommage pour l'oeuvre de Larry Brown.
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J
Grand roman, comme tous ceux (trop rares) de Larry Brown. Espérons que cette réédition rejaillisse aussi sur les autres, avec une mention spéciale à Fay.
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Y
<br /> <br /> Je l'ai découvert sur le tard et je me régale à chaque roman. Fay est justement le prochain Larry Brown de ma pile.<br /> <br /> <br /> <br />