Destins croisés : L’usine à lapins, de Larry Brown
À Memphis, Tennessee, Arthur, presque septuagénaire, riche mais impuissant, n’arrive plus à satisfaire Helen, de vingt ans sa cadette, qui trompe son ennui en buvant plus que de raison et en le trompant régulièrement.
Anjalee, strip-teaseuse qui ne refuse pas quelques extras voudrait changer de vie, mais elle semble poursuivie par la poisse – et par la police.
Wayne, le marin, est tombé sous le charme d’Anjalee ; sur son porte-avion, arrêté dans l’Atlantique après avoir heurté une baleine, il ne rêve que de retrouver cette fille.
Frankie, truand et amant régulier d’Anjalee, doit exécuter un contrat pour le mystérieux M. Hamburger et se trompe de cible.
Dans le Mississippi, Domino doit livrer de la viande pour les lions d’un zoo et profiter de son chargement pour transporter de l’herbe. Il travaille aussi pour M. Hamburger. En chemin, il heurte un cerf de Virginie qu’il imaginerait bien dans son congélateur. Mais pour cela il faut qu’il fasse de la place dans son camion. Un manège qui ne peut qu’attirer l’attention. Même pour un flic aussi peu doué qu’Ellwood Perkins.
Chez M. Hamburger, Miss Muffet, l’unijambiste, a complètement oublié le petit chien sur lequel elle doit veiller et part se saoûler. L’occasion de faire connaissance avec M. Moignon.
Merlot est un homme heureux. Pris en otage par un mystérieux boucher, il a réussi à se débarrasser de son ravisseur. Cela lui a permis de rencontrer Pénélope, la femme-flic, avec laquelle il se prépare à filer le parfait amour. Mais doit-il lui avouer l’existence de Candy, cloîtrée dans une chambre de sa maison ?
Eric a quitté le Mississippi avec Jada Pinkett, son pittbull, et a trouvé un travail dans une animalerie de Memphis. C’est là, alors qu’il regrette le bon vieux temps, lorsqu’il chassait avec M. Moignon dans l’usine à lapins, qu’il rencontre Arthur qui lui demande de capturer un chat afin de reconquérir Helen. Et si c’était Eric, la conquête d’Helen ?
C’est un procédé classique que cette manière de faire s’entrecroiser les trajectoires de différents personnages. Procédé justement d’autant plus piégeux qu’il est classique et qu’il en faut peu pour qu’il vire au simple catalogue ou bien à la surenchère dans les dysfonctionnements des personnages et à la visite d’une foire aux monstres. Mais Larry Brown maîtrise parfaitement son roman et sait conserver tout au long de son récit un équilibre subtil entre la normalité, belle ou triste, de ses personnages esseulés et la plongée dans la folie, dure ou douce.
On chemine ainsi avec eux sur ce fil instable et l’on se prend vite à les aimer, à chercher lesquels pourraient combler les manques des autres, à craindre pour eux qu’ils ne réussissent pas à soutenir seuls le poids de la solitude et de leurs désirs insatisfaits.
Destins tragiques, violents ou affligeants, ils s’entrecroisent, se mêlent ou se séparent dans un roman sublimement noir et tendre.
Larry Brown, L’usine à lapins (The Rabbit Factory, 2003), Gallimard, La Noire, 2004. Rééd. Folio Policier, 2008. Traduit par Pierre Furlan.
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