Sale boulot, de Larry Brown

Publié le par Yan

Les éditions Gallmeister continuent leur travail de réédition de l’œuvre de Larry Brown avec un de ses romans les plus singuliers.

Sale boulot met en scène deux personnages : Braiden Chaney croupit depuis vingt-deux ans dans un hôpital militaire du Mississippi. « Il avait pas de bras, pas de jambes, rien que des moignons. Comme dans Johnny s’en va-t-en guerre. » nous dit l’autre protagoniste de cette histoire, Walter James, qui vient d’atterrir ici après une de ces absences qui le saisissent parfois depuis que, vingt-deux ans plus tôt, son visage a été mutilé par une roquette et son cerveau endommagé par la balle d’un sniper vietnamien.

Deux hommes, une glacière pleine de bières alimentée régulièrement par une infirmière de bonne disposition, de l’herbe, et des nuits interminables… De quoi pousser au dialogue et à l’introspection. Aussi les parcours de Braiden et Walter se révèlent-ils peu à peu avec tout ce qu’ils peuvent avoir de commun : les mutilations, bien entendu, la guerre du Vietnam à laquelle ni l’un ni l’autre, le pauvre noir et le pauvre redneck, ne pouvait échapper de toute manière, et leurs espoirs. Celui de vivre malgré tout pour Walter qui a rencontré une fille qui n’est pas effrayée par son visage ravagé. Celui de mourir enfin pour Braiden qui, malgré les attentions de Diva, l’infirmière, n’en peu plus de ne vivre que dans les rêves qui, pour aussi beaux qu’ils puissent être, ne constituent qu’un pâle dérivatif à l’inanité de la vie qu’il supporte depuis plus de vingt ans.

Alors que se forge, si ce n’est une amitié, à tout le moins une relation faite d’une compréhension intime de l’autre et de compassion réciproque entre ces deux hommes, Larry Brown parle de la guerre, bien entendu, de la pauvreté endémique et des profondes inégalités de ce Mississippi dans lequel il a toujours vécu. Comme fil conducteur, il place une once de mystère : comment et pourquoi Walter a-t-il atterri ici ? Que s’est-il passé avant sa perte de connaissance et après ? Cela va se révéler peu à peu en même temps que se dévoilent les cœurs et les âmes des deux personnages pour aboutir à une fin saisissante. Premier livre d’un auteur autodidacte publié sur le tard, Sale boulot plaçait d’emblée Larry Brown au panthéon des grands écrivains américains contemporains. C’est un magnifique roman.

Larry Brown, Sale boulot (Dirty Work, 1989), rééd. Gallmeister, coll. Totem, 2018. Traduit par Francis Kerline. 203 p.

Du même auteur sur ce blog : L’usine à lapins ; Joe ; Faire front ; Dur comme l'amour ;

Publié dans Noir américain

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B
merci Yan de nous faire partager vos lectures. celui là en particulier il est un peu dur à lire car quelques fois on ne sait plus qui parle. mais finalement quelle importance devant tant de souffrances je l'ai fini avec la larme car par les temps qui courent il y a surement des cas similaires dans notre joli monde .A noter que l'auteur était un vétéran du Vietnam et devait savoir de quoi il parlait.un livre à faire lire sans aucuns doutes .continuer!!!
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