Faire front, de Larry Brown

Publié le par Yan

Si l’on parle souvent – et à raison – du Larry Brown romancier, on a tendance à oublier le novelliste, peut-être parce que ses recueils parus à La Noire n’ont pas eu le bonheur d’être réédités. Faire front est l’un d’eux (l’autre est intitulé Dur comme l’amour).

Faire front, titre de la première des neuf nouvelles de ce recueil, en pose en fait le thème général : on entre dans l’intimité de gens ordinaires dans l’Amérique de Larry Brown, le Vieux Sud. Ils sont souvent pauvres, craignent le lendemain, sont parfois harassé par le travail, presque toujours épuisés par la vie. Ils ont pris les mauvais embranchements, choisis les mauvais partenaires ou bien, tout simplement, ils n’ont pas eu l’occasion de choisir. Petits employés, ouvriers, femmes au foyer, fermiers, chômeurs, les personnages de Larry Brown ne font pas que se débattre avec un quotidien morne ou désespérant. Ils ont des rêves, des souvenirs, des envies de partir ou de changer… ils essaient de faire front avec les moyens dont ils disposent. Tout cela se fracasse parfois et, à d’autres moments, une lueur d’espoir subsiste.

À tous ses êtres imparfaits, aux aspirations parfois contradictoires, Brown offre le temps d’un texte la possibilité de dire leurs vies et, surtout, il ne les juge pas. Ces femmes et ces hommes anonymes, sur lesquels personne ne pose son regard, sont là, incarnés, et s’imposent : on a envie de connaître ce qui les accable et ce qui, au moins provisoirement, les empêche de chuter. C’est sans doute là l’essence de l’œuvre de l’écrivain du Mississippi, cette volonté de montrer l’humain, de le dépouiller de ses oripeaux afin de mettre en lumière ce qu’il a dans le cœur, que cela soit beau ou pas. Surtout, ici, malgré quelques expérimentations littéraires originales et réussies (Julie : un souvenir, notamment), Larry Brown refuse tout lyrisme. Il dit les choses avec une apparente simplicité qui, pourtant, sait montrer ce que ses personnages ont de plus intime et, par ailleurs, avec une singulière beauté. Neuf textes, donc, qui frôlent souvent la perfection et qui la touchent pour une bonne part d’entre eux.

Larry Brown, Faire front (Facing The Music, 1988), Gallimard, La Noire, 2004. Traduit par Pierre Furlan. 176 p.

Du même auteur sur ce blog : L’usine à lapins ; Joe ; Sale boulot ; Dur comme l'amour ;

Publié dans Noir américain

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P
Merci Yan pour ce billet. Ayant tout lu de Larry Brown, je ne connaissais pas ce recueil. Il faut dire que je ne suis pas accro à wikimachin et donc je suis passé à coté ... mais pas pour longtemps. Ah, Larry Brown, auteur indispensable, noir et regretté ! Amitiés
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Y
C'est un sublime recueil. Tu apprécieras. Amitiés