La saison des massacres, de Giancarlo De Cataldo

Publié le par Yan

la-saison-des-massacres.jpgAprès nous avoir raconté avec brio, dans Romanzo Criminale, l’ascension et la chute de petits truands romains finalement liés à la mafia, à la loge P2 et aux services secrets italiens, Giancarlo De Cataldo reprend le fil de cet Italia undercover en 1992, peu après les attentats contre les juges antimafia Falcone et Borsellino.

On retrouve là, notamment, deux figures du premier roman : le dottore Scialojia et l’ex-prostituée Patrizia. Le destin a fait son  œuvre, tout autant que les basses œuvres des services secrets. Scialojia a remplacé le Vieux en tant que chef de cette structure occulte qui semble déterminer la politique intérieure de l’Italie, il est entré dans une loge maçonnique tout aussi gangrénée et influente que la défunte P2, et il jouit de ce pouvoir contre lequel il avait pourtant tenté de lutter des années auparavant. Patrizia, de son côté, a donc abandonné la prostitution et a épousé un homme dangereux au prénom trompeur. Stalin Rosseti, trafiquant de drogue et violemment anticommuniste aurait sans doute dû succéder au Vieux mais a finalement été écarté. Cela ne l’empêche pas de faire partie du jeu de dupe qui se joue entre 1992 et 1993, cette saison des massacres où chacun cherche à tirer son épingle du jeu : la mafia durement touchée par l’arrestation de Riina, les services secrets qui voudraient que cesse la violence et sont prêts à négocier pour cela, les hommes d’affaires compromis avec le crime organisé, Berlusconi qui monte son parti…

De Cataldo se montre particulièrement ambitieux en se lançant dans le traitement romancé mais bien documenté de cette période trouble de l’histoire récente de l’Italie. Le sujet est passionnant, certes, mais aussi compliqué à traiter avec clarté. Et force est de constater que le roman de Giancarlo De Cataldo n’est pas à la hauteur de son ambition. Le foisonnement des personnages, les digressions sentimentales pas toujours utiles, dans un contexte politico-historique trouble ont tôt fait d’égarer le lecteur qui passe beaucoup de temps – et peut-être est-ce une manière de le mettre dans la même position que les protagonistes de l’histoire – à essayer de comprendre ce qu’il lit.

L’influence d’Ellroy est claire, tant dans le choix du sujet que dans son traitement. Mais c’est une influence écrasante, et De Cataldo ne réussit pas à égaler l’auteur américain. Trop de circonvolutions, d’effets de style par trop artificiels, rendent son propos bien difficile à suivre. C’est d’autant plus dommage qu’il avait montré une bien meilleure maîtrise de l’intrigue dans Romanzo Criminale et que le sujet abordé ici avait tout pour mettre sur pied un grand roman.

Au final, on a l’impression que Giancarlo De Cataldo se prend un peu les pieds dans le tapis d’une ambition littéraire peut-être trop élevée et fait d’un sujet prometteur un roman moyen et un peu tape à l’œil. On en ressort déçu et l’on espère qu’il saura de nouveau nous offrir des histoires de la trempe de Romanzo Criminale, à la fois passionnantes, biens structurées, et dans un style moins abscons que cette Saison de massacres.  

Giancarlo De Cataldo, La saison des massacres, Éd. Métailié, 2008. Rééd. Points Policier, 2009.Traduit par Serge Quadruppani.

Du même auteur sur ce blog : Romanzo Criminale ; Je suis le Libanais ; Suburra ;

Publié dans Noir italien

Commenter cet article

R
tout à fait d'accord avec cette analyse. J'ai rencontré beaucoup de difficultés à entrer dans l'intrigue, ne cessant de retourner aux chapitres précédents, cherchant une cohésion à l'ensemble. N'empêche que petit à petit j'ai fini par être fasciné et dévorer la fin de ce roman (qui me paraît un peu précipitée). La filiation avec Ellroy me semble très judicieuse. Merci pour votre article qui m'a rassuré et conforté.
Répondre
Y
Merci à vous pour ce retour.