Une pluie sans fin, de Michael Farris Smith
Alors que les tempêtes succèdent aux ouragans depuis des mois, les États du sud-est des États-Unis s’enfoncent peu à peu sous les eaux. C’est pour cela que les autorités ont décidé d’établir une limite en dessous de laquelle ne vivent plus que quelques irréductibles, tel le solitaire Cohen, des chasseurs de trésor, des pillards ou des illuminés. Pour avoir croisé la route de quelques-uns de ces derniers, Cohen va se retrouver à tenter de mener au-delà de la Ligne un groupe qui a longtemps vécu sous la coupe d’un prêcheur fanatique.
En vogue depuis quelques décennies déjà – on pense par exemple à l’excellent Je suis une légende, de Richard Matheson (1954, tout de même) – le roman post-apocalyptique sous toutes ses formes, du récit d’exode de survivants au roman de zombies, connaît une véritable explosion depuis quelques années, en particulier dans le sillage du très justement fameux La Route, de Cormac McCarthy. C’est d’ailleurs plus ou moins sous les auspices de ce dernier – dans la présentation de l’éditeur en tout cas – que se place Une pluie sans fin. Le risque ici, est que la référence soit écrasante tant McCarthy a placé la barre haut avec son livre, œuvre importante de la littérature américaine de ce début de XXIème siècle et surtout roman ciselé, taillé jusqu’à l’os, à l’exceptionnelle puissance d’évocation et doté d’une réflexion de haute-volée sur la condition humaine.
De fait, premier roman de Michael Farris Smith, Une pluie sans fin est loin de toucher, ne serait-ce que du bout du doigt la quasi perfection de La Route ou d’égaler sa profondeur.
Pour autant, Farris Smith n’a pas forcément à rougir de son travail, en particulier en ce qui concerne le cadre de son action, ce Sud Profond balayé par une pluie et un vent incessants et dans lequel les animaux sauvages prennent peu à peu le dessus sur des humains pataugeant lamentablement dans la boue et qui voient leurs constructions dont ils pensaient qu’elles résisteraient au temps qui passe s’effondrer sous les coups de boutoir de la nature. On a froid et l’on est trempé jusqu’aux os avec les personnages de Michael Farris Smith, on sent le moisi, la pourriture et la vase avec eux. Mais la consistance exceptionnelle qu’il arrive à offrir à son décor, l’auteur peine à la donner à ses personnages et à son intrigue. Doter les trois personnages au centre de l’histoire, Cohen, Mariposa et Evan, d’anciennes et profondes blessures assez mystérieuses ne suffit pas à leur donner véritablement chair, et l’enchaînement des situations qui forment une sorte de patchwork de scènes d’actions ou de moments plus intimistes n’arrive pas à créer un tout entièrement cohérent. De là l’impression qu’Une pluie sans fin, bien fichu de prime abord sur la forme, manque assez souvent de fond.
Honnête divertissement au final, le roman de Michael Farris Smith ne dépare pas dans le catalogue des éditions Super 8 tournées vers la culture pop, la série B de bonne qualité. Et l’on espère même que le talent dont il fait preuve dans l’installation de son décor et sa gestion de certaines scènes d’action particulièrement réussies annoncent pour la suite de la carrière de l’auteur des œuvres encore meilleures.
Michael Farris Smith, Une pluie sans fin (Rivers, 2013), Super 8 Éditions, 2015. Traduit par Michelle Charrier. 448 p.
Du même auteur sur ce blog : Nulle part sur la Terre ; Le Pays des oubliés ; Blackwood ;