Dieux de la pluie, de James Lee Burke

C’est avec circonspection que l’on a découvert Hackberry Holland l’an dernier à l’occasion de la traduction en français de Déposer glaive et bouclier, roman publié aux États-Unis en 1971. Le personnage, dans ce roman de jeunesse, nous évoquait alors une esquisse de Dave Robicheaux, un personnage pas encore abouti. De la même manière, Billy Bob Holland (oui, le cousin de Hackberry qui est lui-même le descendant direct du Son Holland de Texas Forever) que James Lee Burke a commencé à mettre en scène il y a quelques années nous semblait être un personnage qui, pour être nouveau, demeurait extrêmement proche dans ses attitudes comme dans sa philosophie de la vie, du policier cajun.
Aussi ne fera-t-on pas durer plus longtemps le suspense : le Hackberry Holland que James Lee Burke retrouve ici près de quarante ans après Déposer glaive et bouclier reste incontestablement un avatar de Robicheaux. Comme ce dernier, il reste profondément marqué par la guerre, par son alcoolisme, la perte de son épouse et, sous des dehors de vieux sage fataliste peine à accepter la violence du monde dans lequel il vit. La seule différence patente avec le héros louisianais de Burke est peut-être le fait que Hackberry cède bien moins facilement à la fureur. C’est plutôt du côté du paysage qu’il faudra chercher les différences. Ici donc le bayou cède la place à l’aridité du sud-ouest du Texas. Sorti de là, les ressorts de l’intrigue, les trajectoires des personnages, correspondent parfaitement à ce que l’on peut trouver dans la série phare de Burke.
Tout commence par la découverte de neuf cadavres. Neuf immigrées clandestines asiatiques sommairement enterrées au bulldozer après avoir été abattues à la mitraillette et dont les entrailles renferment encore les boulettes d’héroïne qu’elles transportaient. En enquêtant sur ce crime, Hackberry Holland, devenu shérif, se trouve confronté à un véritable nœud de vipères dans lequel s’entrelacent et s’affrontent trafiquants, proxénètes, tueurs à gages et un jeune couple qui a eu le malheur de croiser leur route et, pour quelques centaines de dollars, de se mêler à cette affaire.
Sans surprise, donc, Dieux de la pluie obéit point par point à la trame des romans habituels de James Lee Burke. Peut-être toutefois le fait que Holland se montre plus solitaire qu’un Robicheaux toujours en binôme avec son ami Clete Purcell permet à l’auteur de bien plus s’attarder sur tous les personnages embringués dans cette histoire et de leur donner une véritable épaisseur. S’il y a bien quelques véritables et incurables salopards, la plupart de ceux dont Hackberry Holland va croiser la route, Nick Dolan le proxénète demi-sel, Pete et Vicki les jeunes paumés ou même Clawson l’inquiétant agent fédéral, s’ils ont leur part d’ombre ont aussi, quelque part, une conscience, des blessures, qui leur confèrent une véritable complexité. Et puis, il y a Jack Collins, le Prêcheur, croquemitaine psychopathe, certes, mais dont le comportement se révèle toujours étonnant, surprenant, jusqu’à susciter une pointe de compassion si ce n’est de sympathie.
Abordé avec une pointe de réticence, Dieux de la pluie se révèle donc être une bien agréable surprise. Beau roman sur la quête de rédemption, il bénéficie de la toujours très belle écriture de James Lee Burke et d’une intrigue qui, si elle est parfois pour le moins tirée par les cheveux, se tient et, surtout, menée tambour battant, accroche bien vite le lecteur.
James Lee Burke, Dieux de la pluie (Rain Gods, 2009), Rivages/Thriller, 2015. Traduit par Christophe Mercier. 522 p.
Du même auteur sur ce blog : Vers une aube radieuse, La nuit la plus longue, Swan Peak, Jésus prend la mer, La moitié du paradis, Texas Forever, L’arc-en-ciel de verre, Déposer glaive et bouclier, Créole Belle.