Creole Belle, de James Lee Burke

Publié le par Yan

creolebelleC’est au lendemain des mésaventures contées dans L’arc-en-ciel de verre que l’on retrouve Dave Robicheaux dans un lit d’hôpital recevant la visite de Tee Jolie Melton, jeune créole, chanteuse d’un groupe de zydeco. Tee Jolie, avant de disparaître, explique à Dave qu’elle a des ennuis qui ont à voir avec un homme qu’elle fréquente et qui est en rapport avec l’industrie pétrolière. Abruti par la morphine, Robicheaux, qui plane quelque part entre le monde des morts et des vivants, ne sait pas s’il a vraiment vu la jeune fille. Jusqu’à ce que, une fois sortie de l’hôpital, il apprenne que celle-ci a disparu depuis des semaines et retrouve le cadavre de sa sœur.

Comme de coutume, Robicheaux et son acolyte Clete Purcel vont mettre les mains dans un panier de crabes au fond duquel ils vont croiser quelques voyous à la petite semaine mais aussi et surtout de riches familles louisianaises corrompues et déviantes bien décidées à défendre leurs gains malhonnêtement accumulés dans le plus grand mépris de leur prochain, en particulier s’il est plus pauvre et moins puissant qu’eux.

Si, sur le plan de l’intrigue, on ne trouvera rien de nouveau, ainsi qu’on a déjà pu le dire à propos du précédent roman de la série, Creole Belle marque toutefois une nouvelle étape dans l’œuvre de James Lee Burke et dans les aventures de ses deux héros vieillissants. Si Clete et Dave ont pleinement les pieds dans le présent par le biais de leurs filles respectives qui apparaissent ici comme des doubles de leurs pères avec, cependant, chacune quelque chose faisant d’elle quelqu’un de meilleur que son géniteur, ils sont de plus en plus hantés par le passé. Un passé dont, objectivement, de la mort du père de Dave, aux mauvais traitement que celui de Clete lui faisait subir, en passant par le traumatisme du Vietnam et la misère de ces petits blancs du Sud, on ne peut que dire qu’il a été cruel, mais qui, malgré tout, pour l’un comme pour l’autre, fait figure de paradis perdu.

C’est que si au fond ni Clete ni Dave ne se font d’illusion sur la nature humaine, sur le racisme endémique à leur terre et le joug posé par les plus riches sur les plus pauvres en général, ils continuent à voir dans leur État le caractère édénique de la nature. Or, justement, l’intrigue et le contexte – l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon dans le Golfe du Mexique et la pollution qui s’ensuit – tournent autour de la disparition programmée de ce qui reste encore de ce paradis.

Roman sur un monde qui n’en finit pas de finir, sur la transmission du mal comme du bien, et sur le poids du péché des pères, Creole Belle, sans dépareiller dans l’œuvre de James Lee Burke, ressemble à un pas de plus vers l’ultime aventure de Robicheaux dont on sent bien depuis La nuit la plus longue, qu’il ne trouve plus sa place dans le monde qui fut le sien. Clete et lui, anachronismes vivants dans un monde policé mais de plus en plus corrompus, approchent de la fin. Et si le roman n’est pas dénué de défauts – une intrigue un peu trop alambiquée et pas toujours crédible notamment – la beauté de l’écriture de Burke nous fait espérer que cette fin n’en finira pas d’être repoussée.  

James Lee Burke, Creole Belle (Creole Belle, 2012), Rivages/Thriller, 2014. Traduit par Christophe Mercier.

Du même auteur sur ce blog : Vers une aube radieuse ; La nuit la plus longue ; Swan Peak ; Jésus prend la mer ; La moitié du paradis ; Texas Forever ; Déposer glaive et bouclier ; L’arc-en-ciel de verre ; Dieux de la pluie ;

Publié dans Noir américain

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