Western culte : Lonesome Dove, épisode II, de Larry McMurtry
Comme le laissait présager la fin du premier volume de l’histoire durant lequel la pression n’avait cessée de monter, cet épisode II commence de manière explosive. Au fur et à mesure que le convoi de bétail mené par l’équipe de la Hat Creek chemine vers le Montana et entre dans le Territoire, cette terra incognita au nord des grandes plaines, les hommes se trouvent constamment confrontés à de nouveaux dangers et, surtout, à eux-mêmes.
Dans ce deuxième volume presque aussi imposant que le premier, le danger se fait certes plus présent. Pas par le biais de grands combats épiques contre les Indiens ou des hordes de hors-la-loi. Dans ces territoires où s’aventurent seulement quelques pionniers, la mort peut survenir de bien des manières : une petite escarmouche a priori sans importance, un serpent ou un grizzly, l’arrivée d’un bandit sadique… Ce sont là des moments que sait gérer Larry McMurtry en laissant toujours le lecteur dans l’expectative : la tension qu’il a fait monter durant plusieurs chapitres peut retomber d’un seul coup ou atteindre son acmé, non pas dans une explosion de violence mais juste après l’acte violent, quand les hommes ou les femmes prennent conscience de ce qui vient de se passer. De la même manière, la mort peut frapper au détour d’une phrase ou d’un chapitre. On ne l’avait pas vu venir ; les protagonistes non plus. Cette tension latente face à ces dangers dont on ne sait jamais s'ils vont frapper ou pas, est finalement supportée autant par les personnages que par le lecteur.
Mais Lonesome Dove n’est pas seulement cela. C’est, au-delà d’une grande épopée, une vision de l’Ouest qui voit le mythe se heurter à la réalité crue. C’est aussi la fin de l’époque mythique personnifiée par Call et Augustus, c’est la photographie de ce moment où la conquête s’achève. « On risque tous de se faire tuer cet après-midi, pour ce que j’en sais. Pour toi c’est l’aventure – il y a des dangers, mais ça fait partie de la beauté de la chose. Évidemment, ces terres appartiennent aux Indiens depuis toujours. Pour eux, elles sont précieuses parce qu’elles sont leur passé. Nous, elles nous attirent parce qu’elles sont notre avenir » dit Augustus au jeune Newt qui prend une importance croissante dans ce volume et dont Lonesome Dove est aussi le roman d’initiation.
Les héros sont vieux et fatigués et seule une ultime promesse au chevet d’un camarade peut encore leur permettre d’avoir l’illusion de continuer à vivre comme ils l’entendent. Nous les regardons, nous les suivons. Ils continuent à chercher l’aventure dans des lieux qu’elle a déjà commencé à déserter. Les Indiens sont de moins en moins belliqueux, les chasseurs de bisons hantent les plaines en n’ayant pas encore compris qu’ils ont si bien fait leur travail que leur histoire est finie. Un autre monde émerge lentement.
Il nous en restera l’impression d’avoir nous aussi voyagé et, surtout, le souvenir de personnages finement ciselés aussi attachants qu’ils sont bourrés de défauts, une réflexion sur ces frontières ténues entre la haine et l’amour ou l’amitié, entre le courage et la folie. Un roman sur la volonté, sur la vanité, sur la lâcheté, sur le désir. Un roman sur l’Homme autant qu’un western. Un grand et beau livre.
Larry McMurtry, Lonesome Dove, épisode II, Gallmeister, collection Totem, 2011. Traduit par Richard Crevier.
Du même auteur sur ce blog :Lonesome Dove, épisode I ; La Marche du Mort ; Lune comanche ; Les rues de Laredo ;