Hap et Leonard (2) : Le mambo des deux ours, de Joe Lansdale

Publié le par Yan

mambodeuxoursAvec Le mambo des deux ours, sans doute le meilleur volume de la série jusqu’à présent, Joe Lansdale balance ses deux héros au milieu d’un fief du Ku Klux Klan à la veille de Noël. De passage au poste de police après que Leonard a, une fois de plus, incendié la crackhouse de ses voisins, Hap et Leonard acceptent de rendre service à l’officier Hanson et de partir enquêter dans la riante petite ville de Grovetown, où un bon noir est un noir mort, afin d’essayer de retrouver Florida, l’avocate noire ex petite amie de Hap et actuelle compagne d’Hanson. Il va sans dire qu’ils vont mettre les pieds dans un sacré panier de crabes.

S’il se fait peu d’illusions sur ses contemporains (« Pendant mon adolescence, un type avec un badge était censé être honnête, et le Lone Ranger ne flinguait pas les méchants d’une balle dans la tête. Mais aujourd’hui, Jésus se baladerait avec un flingue et ses disciples ordonneraient à leurs ennemis de se coucher par terre pour les sodomiser. »), Hap va pourtant avoir l’occasion d’être étonné par les habitants de Grovetown, plus racistes et bas du front qu’il peut l’imaginer et leur shérif, tout aussi raciste, mais pas forcément malhonnête.

Dans cette caricature vivante du Sud Profond, les lignes ne sont en effet pas aussi claires qu’elles paraissent et les ennemis ne sont pas tous ceux que l’on croit. Hap et Leonard se trouvent ici confrontés à ces faux-semblants et à de vrais malades, mais aussi à leurs propres limites et c’est sans doute d’ailleurs ce qui fait de cet épisode le plus plaisant de la série.

Défouloir, certes, mais aussi constat – toujours avec un humour acerbe – de la difficulté à faire changer les mentalités un demi-siècle après la bataille des droits civiques, Le mambo de deux ours est bien un roman noir, effarant parfois, mais tout de même du genre à vous faire vous plier en quatre presqu’à chaque page tant Lansdale sait tenir son rôle de conteur cynique et friand d’histoires graveleuses.

Laissons d’ailleurs, pour finir, la parole au shérif Cantuck, de Grovetown :

« Il était Chef de la Police ici, y a longtemps, et il a eu affaire à un paquet de blacks. Les négresses lui ont réglé beaucoup d’amendes à leur manière… Si vous voyez ce que j’veux dire. J’ai remplacé mon paternel à ce poste. Et je suis capable de baiser tout ce qui n’est pas cloué au plancher qui a un trou. En fait, quand j’étais gosse, j’ai déchiré le cul d’un certain nombre de poules en y plantant ma queue. J’ai même fait ça si souvent que chaque fois que ma mère retrouvait un poulet crevé elle me foutait des coups de ceinture, que ce soit de ma faute ou pas. Et si les cochons se mettaient à gueuler pendant la nuit, maman se précipitait dans ma chambre et me battait. »

Joe Lansdale, Le mambo des deux ours (The Two-Bear Mambo, 1995), Gallimard, Série Noire, 2000. Rééd. Folio Policier, 2009. Traduit par Bernard Blanc.

Du même auteur sur ce blog : Entretien ;  Les marécages ;  Du sang dans la sciure ;  L’arbre à bouteilles ; Bad Chili ; Tape-cul ; Tsunami mexicain ; Vanilla Ride ; Diable Rouge ; Les mécanos de Vénus ; Les enfants de l'eau noire ;

Publié dans Noir américain

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J
Moi aussi c'est mon préféré à ce jour.<br /> Pas forcément le plus drôle, mais le plus sombre, le plus violent et le plus dérangeant.
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Y
<br /> <br /> C'est en effet, à mon sens, celui qui va le plus loin sur la description de la société texane là où les autres jouent plus la carte de la grosse poilade (un peu violente, c'est vrai). L'humour y<br /> est - un peu - moins graveleux, mais il est bien là ; mais c'est sûr que la noirceur de l'intrigue vient le contrebalancer sévèrement.<br /> <br /> <br /> <br />