Dans la rue j'entends les sirènes, d'Adrian McKinty
Deuxième volet d’une trilogie mettant en scène le policier catholique de la RUC Sean Duffy au début des années 1980, Dans la rue j’entends les sirènes reprend le cours de l’histoire du héros quelques mois après les événements contés dans Une terre si froide. La guerre des Malouines commence, les tensions sont toujours aussi fortes en Ulster et Duffy doit enquêter sur un torse découvert dans une valise. Bien entendu, en Irlande du Nord, les soupçons se portent vite sur l’IRA ou les Loyalistes. Mais les choses apparaissent vite plus compliquées et Sean Duffy, toujours aussi borné, va soulever des pierres dont beaucoup de monde voudrait qu’elles ne bougent pas. De la campagne irlandaise à la banlieue de Boston en passant par son propre corps de police et l’usine DeLorean de Belfast, Duffy n’a pas fini de donner de l’urticaire à ceux qui voudraient étouffer l’affaire, ni de s’attirer des ennuis.
On avait eu plaisir à retrouver en début d’année, après une longue absence, Adrian McKinty et son nouveau héros. Le plaisir perdure avec ce deuxième roman en un an mettant en scène Sean Duffy mais aussi, plus largement, l’Irlande du Nord du début des années 1980.
Car plus que l’enquête – bien menée – c’est tout ce qu’il y a derrière que nous donne à voir McKinty. Une Irlande du Nord en plein marasme, le racisme ordinaire, l’incapacité de la population à s’extraire de l’ethnotype dans lequel elle s’enferme (l’Irlandais porté sur l’alcool, bagarreur, têtu, superstitieux, rétif à toute autorité et lavant son linge sale en famille) et, bien entendu, la violence au quotidien de ce qui n’est rien d’autre qu’une zone de guerre. Ainsi en va-t-il de cette routine, chapitre après chapitre qui voit Sean Duffy regarder tous les matins si sa voiture n’a pas été piégée dans la nuit : « J’éteins la radio, prépare du café, enfile un col roulé noir, un jean et des Doc, puis je sors. J’inspecte le dessous de ma voiture, ne découvre pas de bombe à interrupteur au mercure. À ce moment précis, sept mille hommes et femme du Royal Ulster Constabulary procèdent tous à la même vérification. Un ou deux vont trouver une bombe, appeler la brigade de déminage et, après avoir fait dans leur froc, se féliciteront de s’être astreints à leur routine matinale. »
L’autre atout d’Adrian McKinty et qu’il a en commun avec nombre de ses confrères irlandais, de Ken Bruen à Gene Kerrigan en passant par Colin Bateman, c’est cette formidable capacité à traiter cette violence sans jamais se départir d’un humour cynique bienvenu qui ne tombe pour autant jamais dans la grossière pantalonnade.
Avec cette trilogie qui, pour le lecteur français qui s’était arrêté aux aventures agréables mais plus proches de la série B, de Michael Forsythe, McKinty semble avoir gagné en maturité, se libère quelque peu des archétypes américains du roman hardboiled et, partant, fait encore mieux entendre sa voix et donne plus de profondeur à ses romans et à ses personnages.
Noir, violent, mais amusant, sérieux mais pas guindé, Dans la rue j’entends les sirènes continue de confirmer le talent d’Adrian McKinty.
Adrian McKinty, Dans la rue j'entends les sirènes (I Hear the Sirens in the Street, 2013), Stock, Cosmopolite Noire, 2013. Traduit par Éric Moreau.
Du même auteur sur ce blog : Le fleuve caché ; Une terre si froide ; Retour de flammes ; La Chaîne ; Ne me cherche pas demain ; Ne me cherche pas demain ; Des promesses sous les balles ;
La fiche bibliométrique d'Adrian McKinty est ICI.