Ne me cherche pas demain, d’Adrian McKinty
Voilà huit ans paraissait dans la collection Cosmopolite Noire des éditions Stock, Dans la rue j’entends les sirènes, deuxième volet d’une trilogie annoncée mettant en scène l’inspecteur Sean Duffy, policier catholique au sein de la bien entendu protestante Royal Ulster Constabulary au début des années 1980. Depuis, la Cosmopolite noire a disparu et la trilogie prévue est devenue, en version originale, une suite de cinq romans. Le troisième nous arrive donc enfin, chez Actes Sud, cette fois, traduit par Laure Manceau. Rappelons au passage que les deux premiers volumes qui, comme celui-ci, peuvent se lire indépendamment, sont disponibles au Livre de Poche.
Nous sommes donc en 1983 à Carrickfergus, aux portes de Belfast, les Troubles s’intensifient, Margaret Thatcher ajoute de l’huile sur le feu et Sean Duffy, en passe de se faire virer de la RUC, passe beaucoup de temps à fumer des joints et à boire de la vodka. Mais alors que cet avenir peu radieux qui s’offre à lui devient de plus en plus palpable, Duffy est contacté par le MI5. En effet, un de ses anciens camarades de classe, Dermot McCann, devenu depuis un ponte de l’IRA spécialisé dans les explosifs, s’est évadé et envisagerait de commettre un attentat d’une ampleur exceptionnelle. À charge pour Duffy de mettre la main sur lui. Mais pour cela, il faut passer par la belle famille de McCann, peu disposée à aider les Anglais. Sauf, peut-être, si Sean Duffy arrivait à résoudre l’affaire de la mort de leur fille, classée un peu trop vite à leur goût par la police dans la catégorie des accidents domestiques.
Pas de déception au programme. On retrouve dans Ne me cherche pas demain tout ce qui nous plaisait dans les précédents romans de cette série : une intrigue – double intrigue, même, ici – bien menée, des personnages secondaires complexes, un fond historique passionnant, un gimmick aussi amusant que saisissant – cette manière de constamment vérifier qu’une bombe n’est pas accrochée au châssis de la voiture –, et une ironie salutaire. Et, bien entendu, Sean Duffy, formidable personnage constamment tiraillé entre sa fidélité à ses amis, la passion pour son travail, la recherche de la justice, et la nécessité de se renier parfois ; celle aussi de supporter le poids d’une certaine culpabilité voire un sentiment de trahison, la difficulté de se trouver entre deux camps qui vous considèrent également comme un traître et, pourtant, l’impossibilité de s’imaginer faire autre chose et ailleurs.
Tout cela donne un polar extrêmement efficace qui allie le suspense à une véritable étude de mœurs, l’action et l’humour. Avec en bonus pour les lecteurs fidèles l’apparition d’un jeune Michael Forsythe, héros d’une autre série de romans de McKinty. Bref, encore une fois un grand plaisir de lecture.
Adrian McKinty, Ne me cherche pas demain (In the Morning I’ll Be Gone, 2014), Actes Sud, 2021. Traduit par Laure Manceau. 383 p.
Du même auteur sur ce blog : Le fleuve caché ; Une terre si froide ; Dans la rue j’entends les sirènes ; Retour de flammes ; La Chaîne ; Ne me cherche pas demain ; Des promesses sous les balles ;