Colin Bateman : La bicyclette de la violence
Toujours à la pointe de l’actualité, je vous propose aujourd’hui, en plein Tour de France, de découvrir La bicyclette de la violence, de Colin Bateman. Bon, ça ne se passe pas en France mais en Irlande et il n’y a qu’un seul vélo. Qui ne sert pas beaucoup, en plus. On fait ce qu’on peut.
Miller est journaliste à Belfast. Il boit trop et ses proches ont une fâcheuse tendance à mourir bêtement (la tante oublier dehors dans son fauteuil roulant une nuit de blizzard, la mère renversée par le bus 67, qui n’existe pas…). À bout, Miller se saoule à mort après la mort de son père, insulte ses collègues de bureau et finit par mettre un coup de pied dans la tête du propriétaire du journal en faisant le poirier. Compatissant, son directeur, plutôt que de le mettre à la porte, le mute dans un hebdomadaire du groupe de presse à Crossmaheart, riante bourgade à 80 kilomètres de Belfast, capitale des meurtres religieux et des attentats. D’ailleurs, Miller y remplace un collègue récemment disparu sans laisser de nouvelles.
Bien entendu, Miller étant aussi bon journaliste qu’alcoolique, il ne va pas tarder à soulever quelques lièvres en s’intéressant au cas de son prédécesseur. Or, si les catholiques et les protestants de Crossmaheart se haïssent, ils détestent encore plus les fouineurs.
Colin Bateman abandonne dans ce roman son héros récurent Daniel Starkey. Mais comme James Lee Burke lorsqu’il abandonne Dave Robicheaux au profit de Billy Bob Holland, le nouveau héros ressemble férocement à l’ancien. Alcoolique, journaliste à la répartie cinglante, athée, un brin masochiste, Miller, comme Starkey, est un révélateur de la société nord-irlandaise dans laquelle vit Colin Bateman.
Bien entendu, comme de coutume, on retrouve l’humour ravageur de Bateman, un humour de façade, agréable, décapant, mais qui sert surtout à nous montrer l’absurdité dans laquelle se trouve empêtrée l’Irlande du Nord :
« "Ces salauds d’hélicos… ils voient tout, de là-haut ! avait-il objecté, en se dévissant le cou pour regarder en l’air. Ils vont nous prendre pour des poseurs de bombe et nous signaler à leurs tireurs embusqués. On va se faire flinguer sur la route."
Miller ne prit pas la peine de regarder. Il y avait toujours des hélicoptères, au-dessus de la région. "Je crois qu’ils font preuve d’un peu plus de discernement, Tom. Vous imaginez un terroriste digne de ce nom qui irait poser des bombes dans une 2 CV jaune ?
-Eh, mais on est à Crossmaheart, Miller ! Ici, on n’a pas de terroristes dignes de ce nom. Ils opèrent avec ce qu’ils ont sous la main : les charrettes des fermes, les camionnettes de la laiterie. Ils iraient poser leurs bombes en rollers, s’ils étaient capables de tenir dessus." »
Sous ce verni d’humour vitriolé, La bicyclette de la violence est un roman désespéré ; un beau roman.
Colin Bateman, La bicyclette de la violence, Gallimard, Série Noire, 1998. Rééd. Folio Policier, 2004. Traduit par Stéphane Carn.