Les princes de Sambalpur, d’Abir Mukherjee

Publié le par Yan

C’est, il faut dire, avec joie que l’on retrouve le capitaine Sam Wyndham et son adjoint, le sergent Satyendra Banerjee, à Calcutta, fusse pour les voir échouer à empêcher l’assassinat du prince héritier du petit royaume de Sambalpur. Une affaire d’autant embarrassante qu’avec d’autres dignitaires de divers États indiens, le fils du maharaja devait signer un accord avec le vice-roi des Indes, renforçant ainsi un peu l’emprise sur le sous-continent d’un Empire britannique en butte à de plus en plus fortes velléités d’émancipation des Indiens.

Autant dire que Wyndham, toujours par ailleurs taraudé par son addiction à l’opium et à la belle Annie, se trouve alors sur la sellette et qu’il convient pour lui de redorer son blason. L’assassin est-il, comme on le soupçonne, un fanatique religieux ? Ou un complot politique est-il à l’œuvre à Sambalpur ?

Du train du départ alors qu’arrive la mousson jusqu’à un chasse au tigre à dos d’éléphant en passant par les couloirs du palais de Sambalpur, le harem bruissant de rumeurs ou les marches du temple de Jagannath, Abir Mukherjee nous immerge de nouveau dans l’Inde coloniale des années 1920 et c’est un plaisir.

Il y a l’enquête, bien entendu, avec ses rebondissements, ses fausses pistes et des suspects nombreux et ambivalents, mais il y a aussi de purs moments d’aventure et surtout un cadre historique qui n’est pas un décor de carton-pâte mais, à part égale avec l’intrigue, un sujet central du livre et – plus généralement – de la série de romans dans laquelle Abir Mukherjee s’est lancé. Il arrive ainsi à ce parfait équilibre entre le divertissement et une histoire édifiante qui traite bien entendu du colonialisme et d’un Empire en sursis, mais aussi des tiraillements des Indiens. Entre deux mondes, Satyendra Banerjee incarne à sa manière cette complexité, et son duo avec Wyndham fonctionne encore à merveille. L’Indien flegmatique et l’Écossais torturé et dominé par ses émotions forment un attelage qui joue avec subtilité avec les clichés.

Polar historique de haute volée, roman d’aventures et, tout simplement, excellent livre, Les princes de Sambalpur est de ces lectures qui non seulement vous apportent un pur plaisir mais aussi vous instruisent sans jamais être lénifiants. C’est peu dire que l’on attend avec impatience le troisième volet de cette formidable série.

Abir Mukherjee, Les princes de Sambalpur (A Necessary Evil, 2017), Liana Levi, 2020. Traduit par Fanchita Gonzalez Batlle. 368 p.

Du même auteur sur ce blog : L’attaque du Calcutta-Darjeeling ; Avec la permission de Gandhi ; Le soleil rouge de l'Assam ; Les ombres de Bombay ;

Publié dans Noir britannique

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B
Très heureux d'avoir découvert cette série policière par ce billet. Premières excursions littéraires en Inde et le séjour est exquis. L'auteur livre une seconde enquête qui ne départ pas de la première, avec des apartés historiques et religieux plaisants et un fin humour qui sourd dans les dialogues de ses tendres et moins tendres personnages. Alors ce troisième tome, l'avez-vous lu ?
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