Avec la permission de Gandhi, d’Abir Mukherjee

Publié le par Yan

C’est à quelques jours de Noël 1921 que l’on retrouve le capitaine Sam Wyndham et son adjoint le sergent Satyendra Banerjee dans une ville de Calcutta en ébullition. En effet, la visite en Inde du prince de Galles, perturbée par les manifestations du Parti du congrès de Gandhi, doit s’achever ici et les indépendantistes indiens n’entendent pas relâcher la pression.

Wyndham lui-même est sous pression. Non seulement on lui demande d’intervenir auprès de Chitta-Rajan Das, dirigeant bengali du parti de Gandhi et ami de la famille de Banerjee, pour le dissuader de manifester mais, de plus, les effets de son addiction à l’opium se font de plus en plus insupportables. Le fait est, d’ailleurs, qu’en fuyant une descente de police dans une fumerie d’opium, le capitaine a trouvé le corps d’un homme énucléé et poignardé. S’il a préféré oublier cet incident, il est bien obligé d’en tenir compte lorsqu’un seconde et une troisième personnes subissent le même sort. Tout cela est-il lié aux tensions politiques en cours, ou est-ce encore autre chose ?

En l’espace de seulement trois romans Sat Banerjee et Sam Wyndham sont devenus pour nous de vieux amis et on ne boude pas son plaisir à les retrouver pour cette nouvelle enquête. Une fois encore, Abir Mukherjee sait profiter du prétexte du polar pour nous plonger dans l’histoire de l’Inde contemporaine et – tout est dans tout – de ladite histoire pour renforcer encore son intrigue policière. Cercle d’autant plus vertueux qu’il permet aussi à l’auteur de continuer à renforcer l’épaisseur de ses personnages. Au début de la série, la relation entre Sam Whyndam et Sat Banerjee jouait beaucoup sur l’opposition de leurs situations et caractères respectifs ; le policier écossais borderline représentant de l’empire colonial d’un côté et son adjoint, autochtone et raide comme la justice sans être toutefois dénué d’un humour à froid incisif, de l’autre. Progressivement, leurs liens se resserrent et tous les deux à leur manière se trouvent écartelés entre ce que leur impose leur travail et ce que leurs histoires personnelles, leur attachement à des valeurs ou leur fidélité à ce qu’ils sont, leur dicte.

Modestes pions sur un échiquier où se joue une partie qui les dépasse, nos deux héros doivent accomplir leur mission tout en essayant de ne pas se renier. Aussi l’humour est-il un peu mois présent dans ce volume, quoique toujours aussi piquant lorsqu’il est utilisé. L’intrigue, comme l’histoire qui avance, entre le traumatisme récent de la Grande guerre et le combat pour l’indépendance, est plus sombre sans doute que les précédentes. On apprend beaucoup au passage sur les divisions internes de l’Inde, la manière dont en joue la puissance coloniale et celle dont le Parti du congrès essaie difficilement de les dépasser.

C’est passionnant et Abir Mukherjee nous offre une nouvelle fois un roman qui brille par son intelligence et sa capacité à nous divertir.

Abir Mukherjee, Avec la permission de Gandhi (Smoke And Ashes, 2018), Liana Levi, 2021. Traduit par Fanchita Gonzalez Batlle, 317 p.

Du même auteur sur ce blog : L’attaque du Calcutta-Darjeeling ; Les princes de Sambalpur ; Le soleil rouge de l'Assam ; Les ombres de Bombay ;

Publié dans Noir britannique

Commenter cet article

V
Une série que j'aime beaucoup (pas de billet sur mon blog, manque de temps..) et je compte bien me plonger rapidement dans cet opus !
Répondre