L’automne du commissaire Ricciardi, de Maurizio De Giovanni
« Regarde cette cochonnerie de ville : dès que tu soulèves un couvercle, les ordures débordent. »
Faire passer Naples pour une ville modèle de l’État fasciste mussolinien, débarrassée de la criminalité et des tensions sociales, ne sera pas chose aisée pour les autorités en ce mois d’octobre pluvieux de 1931, à la veille de la visite du Duce. Surtout quand le commissaire Ricciardi, appelé après la découverte du cadavre d’un gamin orphelin décide d’enquêter malgré l’autopsie menée par son ami Modo qui a conclu à une mort accidentelle.
Cette quatrième saison du commissaire Ricciardi n’est en fait pas la dernière (quatre autres volumes ont déjà paru en Italie) et, même, apparaît comme un épisode charnière. En effet, Maurizio De Giovanni y pousse un peu plus les pions qu’il place depuis L’hiver du commissaire Ricciardi : la chape de plomb du régime s'alourdit encore avec notamment le rôle de plus en plus important de la police politique qui s’agite en coulisses, l’histoire d’amour platonique qu’entretient le policier avec sa voisine et l’intérêt de plus en plus fort que lui porte la belle, riche et sans doute vénéneuse Livia Lucani.
L’autre élément marquant, c’est qu’à l’approche de la fête des morts, le Fatto, ce don qu’a Ricciardi de voir les derniers instants des morts, semble le fuir. Son enquête ne peut avancer – et s’enfoncer dans ce qui semble être une multitude d’impasses – que par un important travail de recherche et d’interrogatoire de témoins qui, plus encore que dans les précédents volumes, donne à voir un portrait social de cette Naples des années 1930 dans laquelle la misère la plus noire s’étend au pied des riches hôtels particuliers, où l’Église encore toute puissante s’allie à la vieille noblesse et à la bourgeoisie dans d’hypocrites actions de charité qui dissimulent mal leur mépris des plus pauvres. Une ville qui semble dévorer ses enfants.
Bref, si après trois romans mettant en scène Ricciardi, Maurizio De Giovanni ne surprend plus vraiment, il sait toutefois faire en sorte que son héros garde de son intérêt en laissant transparaître à chaque roman de nouveaux éléments de sa personnalité. Et surtout, c’est avec une curiosité sans cesse renouvelée que l’on découvre sous les enquêtes de Ricciardi et de son adjoint Maione un édifiant portrait historique et sociologique de Naples et de ses habitants. De Giovanni continue ainsi d’offrir au lecteur un roman policier historique intelligent et parsemé de moments tour à tour violents, poétiques, amusants ou émouvants.
Maurizio De Giovanni, L’automne du commissaire Ricciardi (Il Giorno dei morti. L’autunno del commissario Ricciardi, 2010), Rivages/Noir 2015. Traduit par Odile Rousseau. 414 p.
Du même auteur sur ce blog : L’hiver du commissaire Ricciardi ; Le printemps du commissaire Ricciardi ; L’été du commissaire Ricciardi ; Le Noël du commissaire Riccciardi ;