L’été du commissaire Ricciardi, de Maurizio de Giovanni
Troisième saison pour le commissaire Ricciardi qui, en ce mois d’août suffocant de 1931 doit enquêter sur le meurtre d’une femme volage issue – même si ce n’est que par la grâce d’un mariage – de la noblesse napolitaine.
Après un passage au printemps du côté du quartier populaire de la Sanità, Ricciardi retrouve donc la haute société de Naples dans laquelle son absence de diplomatie provoque quelques remous. Pourtant apparaissent toujours en toile de fond, par le biais notamment de cette famille aux enfants gloutons au service de la victime, les relations et tensions sociales de la ville.
Surtout, même si Maurizio De Giovanni entend humaniser un peu plus son personnage à travers l’histoire d’amour – de moins en moins – platonique qui le lie à sa voisine avec laquelle il entretien un dialogue muet à travers sa fenêtre et laisse donc plus de place à la romance, il ouvre un peu plus le champ à l’intrusion du politique dans la vie quotidienne. L’omniprésence des nervis du fascisme se fait plus pesante que dans les volumes précédents et s’incarne à travers un personnage ambigu d’espion au service du régime ; la surveillance de la population et la nécessité de faire attention à ses paroles devient plus prégnante, y compris dans le cercle rapproché de Ricciardi.
Alors, certes, la manière dont l’auteur mène sa barque peut par certains aspects paraître routinière (on pense notamment à la relation entre Maione et sa femme ou à la manière dont De Giovanni se plaît à parsemer son intrigue de fausses pistes) mais il me semble que derrière la façade de cette structure récurrente, Maurizio De Giovanni donne de l’ampleur à son propos. Le « Fatto », ce don qui est aussi malédiction que possède Ricciardi de voir les derniers moments des morts prend une place de plus en plus importante, moins d’ailleurs dans la résolution des enquêtes que dans la manière dont il permet d’appréhender la psyché du personnage principal et la violence ou la fatalité du quotidien napolitain. De la même manière ainsi que je l’ai déjà dit plus haut, le tableau de cette Naples des années 1930 ne cesse de se dévoiler à chaque fois un peu plus, révélant un peu plus brutalement la tension des relations sociales et la manière dont le fascisme s’insinue partout dans le quotidien.
Bref, voilà encore un très bon livre qui, derrières ses atours de simple roman d’enquête, brosse un tableau tout en finesse et en profondeur d’une ville et d’une époque.
Maurizio De Giovanni, L’été du commissaire Ricciardi (Il posto di ognuno. L’estate del commissario Ricciardi, 2009), Rivages/Noir, 2014. Traduit par Odile Rousseau.
Du même auteur sur ce blog : L’hiver du commissaire Ricciardi ; Le printemps du commissaire Ricciardi ; L'automne du commissaire Ricciardi ;