Le Noël du commissaire Ricciardi, de Maurizio de Giovanni

Publié le par Yan

Un cycle s’achève et un autre commence. Après les saisons, voilà les fêtes. Nous sommes toujours en 1931 à Naples et Noël approche. Dans un palazzo proche du port, le centurion Garofalo, de la milice fasciste chargée de la surveillance et de la gestion du port, et sa femme sont retrouvés morts. Elle a eu la gorge tranchée, il a reçu plus d’une trentaine de coups de couteau. Chargé de l’enquête avec son adjoint Maione, le commissaire Ricciardi est pressé par la police politique de résoudre au plus vite cette affaire. Il est en effet hors de question qu’un crime à l’égard d’un milicien du parti puisse rester impuni. Mais, bien entendu, dans cette Naples où les caciques fascistes et la vieille noblesse côtoient la plus extrême pauvreté, dans une société sous la coupe d’un État autoritaire au sein de laquelle la dénonciation et la corruption sont devenus des activités très courues, les mobiles et les suspects abondent et le Fatto, ce don de Ricciardi d’entendre les dernières pensées des morts, ne lui sera une fois encore que peu utile.

On pouvait légitimement craindre que la prolongation de la série mettant en scène Ricciardi et dont on pensait qu’elle s’achèverait avec l’automne ne soit qu’un moyen d’user jusqu’à la corde le succès du héros de Maurizio de Giovanni. Crainte finalement infondée. Maurizio de Giovanni, une fois encore, démontre sa capacité à se renouveler malgré le cadre contraint dans lequel il place sa série : Ricciardi, c’est toujours un peu la même chose mais c’est pourtant à chaque fois différent. Cela tient pour une grande part à la façon dont l’auteur napolitain réussit à toujours donner un peu plus de chair et d’épaisseur à ses personnages. Ricciardi, dans ce Noël est ainsi toujours plus tiraillé par ses sentiments à l’égard d’Enrica mais et subit de plus en plus douloureusement ce Fatto qui pourrait le pousser lentement à la folie. Maione, quant à lui, se trouve aux prises avec un dilemme moral qui pourrait faire de nouveau basculer sa vie. Et puis il y a le contexte historique : la chape de plomb du fascisme, la manière insidieuse dont le régime influe sur les attitudes des uns et des autres, la façon dont la surveillance constante se fait plus sensible, tout cela participe de l’ambiance pesante qui règne sur le roman. Et puis, bien entendu, il y a l’autre grand personnage de Ricciardi, Naples elle-même. La Naples populaire, ses goûts, ses odeurs, ses bruits et ses traditions que de Giovanni incarne dans ses livres avec un formidable talent. Il donne vie à un lieu et une époque et, partant, à l’âme d’un peuple qui souffre, qui subit, mais qui sait affronter les malheurs du temps grâce à une solidarité qui pour n’être pas spectaculaire, n’en est pas moins profonde.

Bref, une fois encore Maurizio de Giovanni se révèle un sublime conteur, un de ces auteurs qui font d’un roman historique par ailleurs circonscrit à un lieu bien particulier un récit d’une portée universelle. Il faut le lire.

Maurizio de Giovanni, Le Noël du commissaire Ricciardi (Per mano mia, 2011), Rivages, 2017. Traduit par Odile Rousseau. 334 p.

Du même auteur sur ce blog : L’Hiver du commissaire Ricciardi ; Le Printemps du commissaire Ricciardi ; L’Été du commissaire Ricciardi ; L’Automne du commissaire Ricciardi ;

Publié dans Noir italien

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