La vérité du petit juge, de Mimmo Gangemi

Publié le par Yan

Marco Morello, fils d’un chef de bâton de la ‘Ndrangheta, tombe dans un guet-apens alors qu’il sort de l’immeuble de sa maîtresse. Passé à tabac par un homme qui le ligote avant de l’embarquer dans sa voiture, Morello va finir – et c’est remarquable – à la fois noyé et enterré vivant. Règlement de comptes mafieux ? Vendetta familiale ? Meurtre crapuleux ? La mort naturelle et l’accident domestique exclus, les possibilités sont nombreuses pour le juge Lenzi, d’autant plus intéressé par l’affaire que la veuve de la victime est particulièrement séduisante et que le meurtrier le met au défi de le retrouver à travers des courriers anonymes.

On retrouve dans ce troisième roman de la série mettant en scène Lenzi tous les ingrédients des deux précédents épisodes. Lenzi est toujours tiraillé par le désir qu’il éprouve pour les belles femmes qui l’entourent, Don Mico Rota, le chef de bâton avec lequel Lenzi entretient une relation ambigüe, continue de jouer les pythies à travers ses histoires à clefs et, bien entendu, au club des officiers, la petite notabilité locale commente toujours avec ironie et une certaine bassesse, le fait divers qui passionne la ville. Ajoutons-y un nouveau personnage prometteur, Cippo, stagiaire de Lenzi, et l’on a de quoi passer a priori un agréable moment de lecture.

Ceci dit on peut aussi éprouver une certaine déception. Là où les romans précédents, à travers les enquêtes de Lenzi, nous dévoilaient en creux les courants qui agitent une société calabraise faisant la jonction, à sa manière bien particulière, entre code clanique traditionnel et mondialisation, La vérité du petit juge offre une enquête sans grande originalité. On a vu mille fois l’histoire du criminel animé par la vengeance mettant la justice au défi, et le cadre dans lequel la place Gangemi n’apporte pas grand-chose de plus. Par ailleurs, les situations qui font le sel des histoires de Lenzi – sa manière de courir après les femmes, sa nonchalance, les rencontres avec Don Mico ou les joutes verbales du club des officiers – sont ici expédiées un peu automatiquement, comme si Mimmo Gangemi était en roue libre et se contentait d’aligner les ingrédients d’une recette éprouvée sans réussir totalement à en retrouver le goût. Si la lecture de ce roman n’est pas désagréable, si quelques fulgurances la rendent même parfois très plaisante, il n’en demeure pas moins que l’on est assez loin de la richesse des deux volumes précédents et l’on espère Gangemi saura raviver la flamme dans son prochain roman.

Mimmo Gangemi, La vérité du petit juge (La verità del giudice meschino, 2015), Seuil, Cadre Noir, 2017. Traduit par Christophe Mileschi. 288 p.

Du même auteur sur ce blog : La revanche du petit juge ; Le pacte du petit juge ;

Publié dans Noir italien

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F
Assez d'accord avec toi à mesure que j'avance dans l'histoire. Les joutes verbales du club en particulier, je les trouve plutôt lourdes cette fois-ci. Bon, de Giovanni arrive bientôt, juste pour Pâques, gageons qu'il ne nous décevra pas. :) Ah oui, et Manzini, tu peux y aller, c'est du bon amha.
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Y
C'est noté, merci !
J
Très décevants ces Gangemmi et la traduction n'arrange rien...<br /> Il faut lire Antonio Manzini (Piste noire, entre autres)et si possible en italien . C'est excellent et la série compte déjà 5 ou 6 titres..: un policier romain exilé au Val d'Aoste parce qu'il a eu des méthodes un peu expéditives contre la Mafia...
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Y
Je trouve les deux premiers excellents et la traduction est à mon sens très maline. Celui-ci, par contre, est plutôt décevant. Manzini, j'en ai entendu dire du bien parfois et beaucoup de mal aussi. Il faudra que j'aille voir.