Dégradation, de Benjamin Myers
« Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire ces lignes. » indique, en quatrième de couverture l’extrait d’un article du Journal du Dimanche. C’est vrai. Le même JDD (décidément) nous dit, sur la couverture, cette fois, « Vous ne regarderez plus jamais la nature du même œil ». Et là, on ne voit pas trop le rapport. Mais bon… Car de quoi parle Dégradation ? Du meurtre d’une adolescente dans un coin reculé de la campagne du Yorkshire par un fermier qui a pas mal de problèmes avec l’hygiène et aussi – et c’est un peu plus grave – avec les jeunes femmes qui ne veulent pas de lui. Un peu attardé, manipulé par une obscure alliance de notables, Steven Rutter a donc beaucoup de défauts mais aussi une sacrée qualité, à savoir un élevage de porcs particulièrement gourmands. Pas grand-chose à voir avec la nature, donc, si ce n’est la nature humaine. Autre spécimen d’humanité un peu borderline – mais tout de même beaucoup moins que Sutter – le détective Brindle officie dans un service de police londonien mystérieux appelé la Chambre froide où il enquête sur des affaires particulièrement retorses. C’est dans ce cadre qu’il est envoyé dans le Yorkshire pour assister la police locale après la disparition de la jeune Melanie Muncy.
Snuff-movies, viols, dépeçages, complot, cadavres humains et animaux en décomposition, homosexualité refoulée, mère abusive et collusion entre notables… Dégradation apparaît assez vite comme un catalogue assez complet des poncifs liés au thriller et au roman noir. On ne peut s’empêcher de penser à sa lecture que l’auteur a fréquenté de près le genre et que même, peut-être, il cherche par certains côtés à s’inspirer de ou à rendre hommage à Robin Cook tant la Chambre froide peut évoquer l’Usine et Brindle l’enquêteur de Cook.
La difficulté, dès lors, est de ne pas tomber dans la caricature. Benjamin Myers, de toute évidence, n’y arrive pas. Au-delà de son accumulation ad nauseam de clichés, l’auteur n’apporte pas grand-chose. La construction de son personnage de tueur victime d’une mère abusive n’a rien d’original, pas plus que celle de son enquêteur faussement flegmatique. L’originalité, chez Myers, tient à l’écriture, ou plutôt à un artifice d’écriture : il n’y a aucune virgule dans son texte et c’est au lecteur de faire le travail qui consiste à les placer au bon endroit. C’est original, certes, mais on se demande à quoi cela peut bien servir.
Bref, Dégradation semble marcher avant tout à l’esbrouffe et au sordide qui, n’en doutons pas, a son public. Une déception.
Benjamin Myers, Dégradation (Turning Blue, 2016), Seuil, 2018. Rééd. Points policiers, 2019. Traduit par Isabelle Maillet. 407 p.