Tue-moi, de Lawrence Block
« Il s’agissait d’un article authentique, d’une pièce originale. Tout ce qui lui restait à faire pour rentrer chez lui avec ce timbre, c’était de surenchérir sur tous les autres collectionneurs intéressés. Il pouvait se le permettre sans grever son budget ni piocher dans ses économies.
Mais d’abord, il avait quelqu’un à tuer. »
Revoilà donc Keller, tueur à gages et philatéliste de son état. Depuis quelques temps, Lawrence Block n’en finit pas de laisser croire au lecteur que son personnage va prendre tranquillement sa retraite avant de le remettre en selle. On pensait Keller reconverti dans une autre branche – la réfection et la vente de maisons ravagées par l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans, en l’occurrence – mais la crise financière est passée par là et l’immobilier s’est effondré. Pour assouvir sa passion pour les timbres sans toucher à ses économies, d’autant plus qu’il a dorénavant une femme et un enfant à charge, le voilà donc obligé de reprendre du service.
La recette est dorénavant connue : un fil conducteur – ici la difficulté à reprendre ce travail particulier et solitaire quand on est devenu un père de famille exemplaire – et plusieurs histoires mettant en scène différentes missions de Keller, avec leurs difficultés et les inévitables coups du hasard. Comme de coutume, Lawrence Block fait preuve d’une riche imagination en la matière mais, surtout, il continue à jouer avec les pensées de plus en plus vagabondes de Keller, sa logique particulière et son absence de second degré en total décalage avec Dot, sa commanditaire, et maintenant Julia, son épouse.
Tout cela peut paraître répétitif pour qui connaît déjà cette série et, de fait, il est indéniable que ça l’est. Pour autant, et certainement plus qu’avec le précédent volume, on prend un véritable plaisir à retrouver cet étonnant et désarmant personnage dont le seul but dans la vie est de réussir à concilier philatélie et contrats de meurtres. Et l’on se laisse finalement assez vite emporter par ces nouvelles dans lesquelles le jeu de décalage entre Keller et le monde qui l’entoure, ses jugements sur les gens qu’il doit assassiner et qui ont souvent le don de l’agacer faute de lui faciliter le travail, mais aussi ses conversations pour le moins originales sur les timbres et sur le monde tel qu’il voudrait qu’il soit – bien rangé –, n’en finissent pas de nous faire sourire.
Lawrence Block, Tue-moi (Hit Me, 2013), Gallimard, Série Noire, 2017. Traduit par Sébastien Raizer. 323 p.
Du même auteur sur ce blog : Keller en cavale ; Le pouce de l’assassin ; Le coup du hasard ;