Le pouce de l’assassin, de Lawrence Block
Le précédent roman mettant en scène Keller le tueur à gages philatéliste, Keller en cavale, laissait à penser que, peut-être, cette courte série (trois romans jusqu’alors) allait prendre fin. C’était sans compter sur l’imagination de Lawrence Block et son attachement palpable à son étonnant héros.
Revoilà donc Keller, toujours aussi précautionneux dans son travail et fou de timbres. On aurait bien du mal à vraiment résumer l’intrigue tant la succession de missions, comme à chaque fois, fait prendre au roman la forme d’un quasi recueil de nouvelles. Lawrence Block laisse cependant un fil ténu – la recherche de ce qui pourrait bien être un autre tueur à gages essayant d’éliminer la concurrence – censé mener Keller et son employeuse, Dot, du début à la fin du livre.
Cela commence plutôt bien avec une mission où tout se passe matériellement pour le mieux mais où, inexplicablement nerveux, Keller ne cesse de cogiter. Cela tombe bien, ce sont justement les réflexions de Keller, cette manière de tout envisager selon une logique tellement poussée à l’extrême qu’elle en devient totalement farfelue qui fait que l’on se plaît à lire ses aventures. Plus encore lorsque ces réflexions sont partagées avec une Dot adepte d’un second degré que Keller peine à saisir. Block peut ainsi gloser plusieurs pages durant sur la meilleure façon de trouver un code confidentiel à trois chiffres pour un répondeur et multiplier les situations cocasses : Keller se prenant de passion pour les arbres peints par l’artiste qu’il a la charge d’exécuter, convoqué comme juré pour un procès, accro à des consultations astrologiques…
Pourtant, si le début est prometteur, le livre finit assez vite par s’enliser. Le lecteur, comme l’auteur, connaît la recette et n’est pas surpris de ce qu’il découvre ; ce qui, en soit, n’est pas un problème lorsque le récit est bien mené. Or, en l’espèce, on a souvent la sensation que Lawrence Block cherche à l’étirer artificiellement.
Si certains passages sont savoureux, l’ensemble apparaît en fin de compte bien long. Et l’on se dit que, quitte à aligner des nouvelles, l’auteur aurait peut-être dû couper un peu plus et attendre d’avoir assez de bons textes pour sortir un recueil qui vaille vraiment le coup et semble moins inégal. À moins que ce soit juste le lecteur de l’ensemble des aventures de Keller qui finisse par se lasser.
Lawrence Block, Le pouce de l’assassin (Hit List, 2000), Calmann-Lévy, 2012. Traduit par Vincent Delezoide.
Du même auteur sur ce blog : Keller en cavale ; Le coup du hasard ; Tue-moi ;