Rétrospective Parker (5) : En coupe réglée
Après son dernier coup, Parker décompresse à Miami lorsqu’il est de nouveau contacté pour participer à un braquage. Un braquage peu commun, puisqu’il s’agit de braquer un patelin entier, Copper Canyon, ville minière coincée, comme son nom l’indique, au fond d’un canyon, dans le Dakota du Nord. Si un coup d’une telle envergure est un défi comme aime à les relever le planificateur hors-pair qu’est Parker, il va cependant lui falloir composer avec une bande de onze autres types tous très différents, de Grofield l’acteur cabotin, à Chambers le psychopathe qui n’attend qu’une occasion pour flinguer les otages, en passant par Paulus l’angoissé. Et puis, comme d’habitude, un grain de sable va s’insinuer dans les rouages du plan parfait élaboré par Parker et la bande. Et comme souvent – comme dans Peau neuve, par exemple – le grain de sable en question n’est autre que le demi-sel qui a apporté le coup ; en l’occurrence, Edgars, dont il semble bien qu’il ait des comptes à régler à Copper Canyon.
Avec En coupe réglée, Richard Stark voit grand et nous réserve peut-être un suspens un peu plus aigüe qu’à l’accoutumée tant les possibilités sont nombreuses de voir le coup millimétré par Parker partir en carafe. Si l’on sait très vite qu’Edgars va poser problème, on découvre peu à peu bien d’autres éléments susceptibles de poser des problèmes : le risque, avéré, qu’un habitant ne respecte pas le couvre-feu, les tendances psychopathes de Chambers, la nervosité de Paulus et, bien entendu, les femmes, celle qui accompagne Edgars d’abord, celle qui va suivre Grofield ensuite.
Cela donne un roman foisonnant (du moins autant que peut l’être un roman mettant en scène Parker…) et sans temps mort durant lequel le lecteur attend sans déplaisir de voir d’où vont bien pouvoir venir les tuiles. Au-delà de la description chirurgicale de l’action et de la réjouissante mise à sac de la ville (qui dure peut-être trop peu de temps), on prend aussi un certain plaisir à découvrir les complices de Parker dont Stark prend le temps de nous brosser le portrait et que, pour certains, on retrouvera dans de futurs épisodes.
Sans doute En coupe réglée est-il un des meilleurs romans de la série ; Gallimard ne s’y est pas trompé, qui l’a réédité en 1995, en même temps que Comme une fleur, au moment de fêter les cinquante ans de la Série Noire, rendant l’ouvrage un petit peu plus facile à trouver aujourd’hui que la plupart de ceux parus à l’époque et qui, à l’exception de Comme une fleur, donc, et du Septième homme (Le Septième, chez Rivages), n’ont toujours pas eu les honneurs d’une réédition récente.
Richard Stark, En coupe réglée, Gallimard, Série Noire, 1965. Rééd. Carré Noir (Parker fait main basse), 1974. Traduit par M. Elfvik.
Du même auteur sur ce blog : Comme une fleur ; Peau neuve ; La clique ; Pour l'amour de l'or ; Rien dans le coffre ; Sous pression ; Le septième homme ; Travail aux pièces ; La demoiselle ; Le divan indiscret ; Blanc-bleu noir ; La dame ; Un petit coup de vinaigre ; L'oiseau noir ; Planque à Luna-Park ; Les citrons ne mentent jamais ; Le défoncé ; Portraits gratis ; Signé Parker ; Comeback ; Backflash ; Flashfire ; Firebreak ; Breakout ; À bout de course! ; Demandez au perroquet ; Argent sale.