Les chiens de Belfast, de Sam Millar

Publié le par Yan

chiens de belfastLes chiens de Belfast, premier volume de ce qui est annoncé comme une trilogie mettant en scène le détective Karl Kane, s’ouvre sur une scène d’une grande violence et d’une grande crudité se déroulant en 1978. C’est là, on s’en doute, le point de départ de l’enquête qui échoit à Kane trente ans plus tard lorsqu’un certain Bill Munday vient lui demander de se renseigner sur l’identité d’un cadavre retrouvé dans le jardin botanique de Belfast. Kane, en délicatesse avec la police locale (son ex-beau-frère y est enquêteur) bien qu’il y ait quelques entrées (son meilleur ami d’enfance est médecin légiste) s’engage dès lors sur un dossier qui le dépasse et ne peut que lui attirer de sévères ennuis.

Pour qui, comme nous, à découvert Sam Millar avec des livres comme Redemption Factory ou On the Brinks, il est indéniable que l’on passe là à toute autre chose. Certes, la violence qui suintait des ouvrages précédents est bel et bien là, de cette éprouvante scène d’ouverture à un impressionnant dépeçage de sanglier, mais Millar réussit malgré tout à donner un ton relativement léger à son roman.
De fait, il s’agit pour l’essentiel d’une énième variation autour de la figure du détective qui, ici, n’est pas tant dur à cuire que cela : peu à l’aise avec les armes, pas beaucoup plus avec les poings, affligé de crises aigües d’hémorroïdes, en couple avec une assistante bien plus jeune que lui dont il se demande ce qu’elle peut bien faire avec lui, portant en lui un traumatisme ancien censé se révéler à la fin de l’ouvrage mais que le lecteur un tantinet attentif aura deviné beaucoup plus tôt, Kane est de ces anti héros que savent nous dépeindre les auteurs irlandais comme Kerrigan, Bruen, Bateman ou McKinty, compensant leurs faiblesses par un sens de l’humour variant du plus graveleux au plus cynique.

Sans être bien original et avec une intrigue tellement tirée par les cheveux qu’il se trouve obligé de faire en sorte que son héros la résolve tout à coup avec des déductions qui ne sont pas sans rappeler les meilleurs moments d’Arabesque après avoir longuement pataugé et ignoré indices et avertissements, Sam Millar réussit à proposer un roman objectivement amusant et divertissant qui, s’il ne restera pas dans les annales aura au moins le mérite de nous avoir fait passer un bon moment. Et l’on peut espérer que les blessures de l’enfance du héros expédiées ici, les volumes suivants pourront être aussi distrayants tout en se montrant un peu plus consistants sur le plan de l’intrigue.

Sam Millar, Les chiens de Belfast (Bloodstorm, 2008), Seuil Policier, 2014. Traduit par Patrick Raynal.

Du même auteur sur ce blog : Redemption Factory ; On the Brinks ; Le cannibale de Crumlin Road ;

Publié dans Noir irlandais

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