Roman rouge : Redemption Factory, de Sam Millar
À Belfast, Paul Goodman traîne sa misère avec son meilleur ami Lucky avec l’espoir de devenir un jour champion de snooker. Mais en attendant de gagner sa vie grâce au billard, pour vivre et faire vivre sa mère avec laquelle il vit seul depuis la disparition de son père, membre de l’IRA, vingt auparavant, Paul se présente dans la seule entreprise susceptible de lui offrir un travail : les abattoirs.
« Vous qui entrez, abandonnez toute espérance ». Voilà ce qui pourrait être inscrit au fronton des abattoirs tant ils semblent être le seuil de l’enfer. Un enfer de sang, de tripes et de déjections sur lequel règnent l’effrayant Shank, patron psychopathe qui se pique d’art, et ses filles Violet, défigurée et éprise de violence, et Geordie, handicapée responsable de la mise à mort des animaux. Littéralement plongé dans le sang dès son arrivée, Paul va peu à peu s’enfoncer dans un monde infernal qui tient autant de Dante que de Jérôme Bosch et y entraîner les seules personnes qui se soucient de lui.
Le roman de Sam Millar est éprouvant. S’y engager revient à commencer un voyage vers le neuvième cercle de l’Enfer de Dante, celui où sont punis les traitres à la patrie, à la famille, à leurs bienfaiteurs et à leurs hôtes. Car c’est en définitive de tout cela qu’il est question dans Redemption Factory : le père de Paul a-t-il trahi l’IRA ? Paul va-t-il commettre ce qui, dans l’esprit tordu de Shank, pourrait être assimilé à une trahison envers son hôte et bienfaiteur ? Geordie trahira-t-elle sa famille ?
Dans cet univers de ténèbres et de sang, quelqu’un trouvera-t-il la rédemption ?
Redemption Factory est un beau roman dont l’écriture sensible de Sam Millar fait que l’on prend un plaisir réel à le lire, même si ce n’est pas toujours chose facile tant il est sombre. C’est un livre comme seuls les auteurs irlandais semblent pouvoir les écrire, à la fois désespéré et plein d’espoir et, en la matière, c’est une réussite.
Sam Millar, Redemption Factory, Fayard Noir, 2010. Traduit par Patrick Raynal.
Du même auteur sur ce blog : On the Brinks ; Les chiens de Belfast ; Le cannibale de Crumlin Road ;