On the Brinks, de Sam Millar
« On était vendredi soir. J’aurais dû être au Star à boire une bonne pinte au son d’un orchestre épouvantable massacrant d’épouvantables imitations de Fleetwood Mac. Au lieu de ça, j’avais les couilles à l’air, le cul serti de chevrotines de goudron, et les balloches d’une méchante couleur magenta.
Et j’avais même pas encore atteint le Bloc. Putain, ça allait être un très long voyage dans la nuit. »
Récit autobiographique, On the Brinks, tient aussi, par les incroyables rebondissements de la vie de Sam Millar, du roman noir et du roman d’aventures. Membre de l’IRA participant durant ses années de détention à Long Kesh à la Blanket puis à la Dirty Protests, Millar rejoint les États-Unis après sa libération et sera à l’origine de l’un des plus gros braquages de l’histoire du pays : sept millions de dollars dérobés dans un dépôt de la Brinks à Rochester.
Tout cela, Millar le raconte avec détachement, humour et une bonne dose d’autodérision. Passant rapidement sur son enfance à Belfast, il divise son livre en deux grandes parties correspondant aux deux grandes aventures de sa vie.
La première, qui conte sa détention à Long Kesh, tire tout son intérêt de la description des conditions de détention de Millar et de ses camarades, de la justice d’exception appliquée aux catholiques irlandais et de la manière dont ces hommes isolés, tenaillés par la peur mais aussi obstinés ont cherché à résister à leur manière. C’est noir, violent, mais aussi porté par cet humour dont l’auteur ne se départ jamais.
La seconde, qui décrit la vie de Millar à New York, entre casinos clandestins, braquage de la Brinks et procès est plus enlevée et aussi plus rocambolesque. Là, on rit plus ouvertement lorsque l’on imagine par exemple la tête de Sam Millar apprenant lors de son procès que tous ses voisins avaient repéré les agents du FBI qui le suivaient et l’observaient depuis des semaines alors que lui, malgré sa paranoïa, n’avait rien vu.
Bref, on passe sans nul doute de bons moments à la lecture de ce livre passionnant à bien des égards. Et puis l’on se dit que Millar, usant et abusant des ellipses – on ne saura pas clairement ce qui lui a valu son incarcération à Long Kesh ou encore comment il a rejoint les États-Unis – a réussi à écrire une autobiographie qui a la particularité de ne presque rien dire de lui. Un bel exercice de style, un bon roman (voire deux bons romans) qui laisse au final le goût d’un mystère qui n’a pas complètement été levé.
Sam Millar, On the Brinks (On the Brinks, 2009), Le Seuil, 2013. Traduit par Patrick Raynal.
Du même auteur sur ce blog : Redemption Factory ; Les chiens de Belfast ; Le cannibale de Crumlin Road ;