Dernier verre à Manhattan, de Don Winslow
Anniversaire de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy oblige, les éditions du Seuil exhument cette année un roman déjà ancien de Don Winslow mais jamais traduit jusqu’à présent mettant en scène le futur président des États-Unis au moment où il n’est encore qu’un sénateur aux dents longues, à la fin de l’année 1958. Nul besoin en effet d’une grande culture historique pour reconnaitre JFK et Bobby derrière les frères Keneally de Winslow, ni Jacqueline derrière Madeleine, et encore moins Marilyn Monroe derrière Marta Marlund.
Nous sommes donc à la Noël 1958 à New York. Walter Whiters, ancien agent de la CIA en Scandinavie vient de démissionner pour retrouver Manhattan et a trouvé une place de détective dans une agence de la ville. C’est dans le cadre de ce travail qu’il est amené à veiller sur Joe Keneally, jeune sénateur démocrate comptant bien obtenir l’investiture de son parti pour l’élection présidentielle. Mais Whiters se rend rapidement compte que, plus que d’assurer la sécurité du politicien, il est là pour servir d’alibi et couvrir les écarts d’un Keneally volage trompant sa femme avec l’actrice Marta Marlund. Une mission plus compliquée qu’il n’y paraît lorsque l’on sait que la compagne de Whiters, chanteuse de jazz, ne cache pas ses sympathies socialistes, que J. Edgard Hoover aimerait bien obtenir des dossiers compromettants sur Keneally et que Marta Marlund court au devant d’un destin tragique.
Lorsque paraît un roman d’un auteur à succès qui, pourtant, n’a pas été traduit presque vingt ans après sa parution en version originale, il est légitime de s’interroger sur sa qualité. Et, de fait, il est indéniable que Dernier verre à Manhattan ne restera pas dans les mémoires comme l’un des meilleurs livres de Don Winslow. Récit cousu de fil blanc et enchaînement de rebondissements à base de nervis d’hommes politiques, d’agents fédéraux et d’espions américains et russes laissent peu de place à l’étonnement et même, parfois, n’évitent pas un vague ennui.
Pour autant, aussi attendue que soit l’intrigue, tout n’est pas à jeter dans ce roman. Car si Winslow ne s’est pas embarrassé de nuances et d’originalité du côté de l’histoire, il a par contre mis beaucoup d’âme dans la mise en place du décor, ce Manhattan disparu et sans doute fantasmé de la fin des années 1950 baigné dans l’ambiance de Noël et du jazz. Cette description de LA ville côté haute-société et bohème avec ses musiciens et ses écrivains de la beat generation est sans nul doute la belle réussite de l’ouvrage.
Roman d’atmosphère plus que roman policier ou d’espionnage, Dernier verre à Manhattan n’est ni mauvais ni très bon ; un moyen de passer un bon moment, de s’immerger dans un lieu disparu et qui bénéficie d’une description qui le rend plus magique qu’il l’a sans doute jamais été, plus beau, plus lisse, plus conforme à ce que l’on voudrait qu’il soit. Bref, un petit côté Happy Days version riche et célèbre. De quoi passer un bon moment sans conséquences avant d’oublier et de lire autre chose.
Don Winslow, Dernier verre à Manhattan (Isle of Joy, 1996), Seuil Policiers, 2013. Traduit par Philippe Loubat-Delranc.
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