Collusion, de Stuart Neville

Publié le par Yan

collusionLa fin des Fantômes de Belfast, précédant roman de Stuart Neville, laissait planer la possibilité d’une suite, même si le roman se suffisait à lui-même. Cette suite arrive donc avec Collusion. Quelques mois seulement après les événements décrits à la fin des Fantômes de Belfast, on retrouve Jack Lennon, le policier nord-irlandais catholique, à la recherche de sa fille. Mais il n’est pas le seul. Le redoutable Bull O’Kane voudrait lui aussi mettre la main sur la petite Ellen et sur sa mère afin de s’en servir d’appâts pour faire revenir Gerry Fegan et assouvir sa vengeance. Pour cela, il fait appel aux services d’un étrange tueur, le Voyageur.

On pouvait d’une certaine manière craindre le retour de Fegan. Bon roman, prenant et efficace, Les fantômes de Belfast péchait un peu par sa fin qui accumulait un peut-être trop les clichés cinématographiques avec effets pyrotechniques, méchants qui à force de parler tardent à exécuter leurs proies et finissent par se faire descendre par le (super) héros… Le risque était donc de voir Neville se lancer dans la surenchère après ce final explosif.

La bonne idée, l’intelligence de l’auteur, c’est d’avoir changé de point de vue pour se concentrer essentiellement sur Jack Lennon et le Voyageur, cantonnant Fegan à un rôle secondaire pendant une grande partie du roman avant de lui rendre la vedette dans une fin là encore trépidante mais mieux maîtrisée et moins sous l’influence des blockbusters hollywoodiens.

Le personnage de Lennon, donc, obsédé par la recherche de sa fille et s’enfonçant pour la retrouver dans un labyrinthe de relations complexes, de collusions, entre services de police et de renseignements, milices loyalistes et criminels, donne au roman une dimension tragique en même temps qu’il porte un regard  acéré sur l’Ulster d’aujourd’hui, loin d’en avoir fini avec son passé et au présent d’autant plus agité que ceux, loyalistes ou catholiques, qui ont mené le conflit durant des décennies sont aujourd’hui aux commandes de bien des leviers. Jamais démonstratif ou pompeux, cet aspect-là du livre est particulièrement bien mené.

Le Voyageur, de son côté, négatif de Gerry Fegan, tueur impitoyable qui apparait d’autant plus solide et inquiétant qu’il se trouve très tôt affligé de blessures qui le font littéralement pourrir sur pied mais ne l’empêchent pas de continuer à mener sa mission, participe quant à lui du côté thriller du roman en même temps qu’il permet – avec Ellen – à l’auteur de flirter encore, comme dans Les fantômes de Belfast, avec le fantastique.

Au final, Collusion, malgré les craintes que l’on pouvait avoir, est sans doute plus abouti que le premier roman de Neville, offrant plus d’équilibre entre roman noir sur la situation de l’Ulster, thriller, courts déferlements de violence et pointes de fantastique. Une belle réussite.

Pour terminer, on signalera au lecteur éventuel que, si elle n’est pas obligatoire, la lecture des Fantômes de Belfast apparaît toutefois comme un préalable utile pour bien saisir tout ce qui se trame dans Collusion.

Stuart Neville, Collusion (Collusion, 2010), Rivages/Thriller, 2012. Traduit par Fabienne Duvigneau.

Du même auteur sur ce blog :  Les fantômes de Belfast ; Âmes volées ;

Publié dans Noir irlandais

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